Il attire le regard, Suhail, avec ses presque deux mètres de haut. Et pourtant…

Et pourtant, en cours, il cherche plutôt à se faire oublier. Systématiquement, on le retrouvera dans les places du fond, pour éviter de gêner la vision des autres, pour pouvoir s’enfuir dans ses pensées, le regard dans le vide, les doigts cornés jouant avec l’anneau d’or accrochée à l’une de ses oreilles. Difficile de savoir si cela l’intéresse ou s’il s’agit juste d’un acte de présence. Parfois, ça lui arrive d’intervenir et de lancer un truc pas trop bête. On pourrait donc supposer qu’il écoute ou qu’il bosse par après, dans l’intimité des dortoirs.

Suhail, malheureusement, n’est pas celui qui redorera la réputation de Reqem. Avec son avant-dernière place au classement à son arrivée, on se demande un peu ce qu’il fout là. C’est pas le plus impliqué, ni le plus brillant. Pourtant partisan du moindre effort, il aurait presque hurlé de joie lorsqu’il a appris que les dix derniers – dont il avait la chance incroyable de faire partie – étaient de corvée cuisine. Parce que la nourriture, c’est important.

Parce que c’est aussi le partage. Et Suhail, en dehors des bancs scolaires, est plutôt de nature solaire. Il a toujours un sourire accroché aux lèvres ; toujours heureux, souvent amusé, parfois venimeux. Certains le trouveront peut-être un peu faux, un peu surfait. D’autres le trouveront peut-être naïf, un peu comme ces rêveurs qui n’ont pas encore vu le monde s’écrouler à leurs pieds. Toujours est-il que Suhail, il est plutôt sociable, recherchant l’échange et le contact humain. Il est toujours partant pour une conversation – s’il apprend votre plat préféré, il essayera autant que possible de le faire apparaître au menu –, un petit footing matinal, une aventure ou tout autre situation promettant beaucoup d’amusement.

Suhail, c'est un rire tonitruant qu'il n'est pas si rare d'entendre résonner. C'est un réveil aux aurores et un coucher tardif, entrecoupé de milles et une situations. C'est un anglais chantant, teinté des accentuations égyptiennes. Ce sont des conversations passionnées en arabe. C'est le son du Oud qui emplit l'air certains soirs, uniquement si on lui demande ou que les lieux sont pratiquement déserts. C'est un regard vide et des phalanges qui se blanchissent, comme s'il se retenait, comme s'il y avait une certaine nervosité. C'est une retenue en deux-temps, comme une danse maîtrisée, assez souvent jouée.  

Je réponds souvent au "Crétin de service". Sinon, vous pouvez aussi chanter l'Internationale.
25 ans.
Tamino
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