Les serres étaient un endroit fabuleux. Vraiment. Shishi l'avaient rapidement compris. Elles n'étaient pas fréquentées par les gens bruyants et plein d'enthousiasme qui arpentaient les couloirs des bâtiments principaux, et qui avaient un peu trop tendance à la bousculer. Oh, pour la plupart d'entre eux, ils n'avaient pas l'air bien méchants. Puis, elle avait retrouvé des têtes connues de son ancienne école, ce qui l'avait rassurée. Pourtant, depuis qu'elle était arrivée, pas une seule fois elle ne s'était séparée de son miroir de poche qu'elle était presque toujours en train de serrer dans sa main. Le seul endroit où, enfin, elle le rangeait sans trop d'appréhension, c'était lorsqu'elle était entourée par la végétation qui poussait dans les serres. Elle s'y était donc à plusieurs reprises réfugiée. Néanmoins, quelque chose la chiffonnait.

Elle avait repéré un énorme arbre, un peu à l'écart, dont les fleurs roses lui rappelaient les cerisiers en fleurs de son pays. Cependant, les pétales semblaient décidées à ne pas tomber près quelques semaines, ce qui lui retirait presque tout intérêt. De plus, il ne dégageait aucune odeur. Shishi avait tenté de deviner quelle serait son utilité, une fois entre les mains d'un botaniste. Hélas, jamais elle n'avait été douée avec les plantes. Elle avait bien essayé, mais toute vie végétale semblait condamnée à mourir dans les plus bref délais une fois entre les mains de la jeune-fille. Aussi avait-elle décidé d'abandonner. Et puis, elle n'était pas là pour découvrir le secret d'une potion à base d'arbre-rose-qui-ne-sent-rien-mais-qui-garde-ses-pétales. Plusieurs oreillers sous les bras, elle était là pour en faire son QG. Mais alors que sa frêle silhouette faisait face au tronc de l'arbre, elle s'interrogeait soudain : avait-elle amené suffisamment de coussins pour faire de cet endroit un agréable cocon ?

Mannaz s’éclipse des cuisines alors que les derniers retardataires finissent de prendre leur petit-déjeuner. Elle emporte avec elle quelques viennoiseries – juste au cas où – et part à la recherche d’un endroit à explorer. Au loin, elle voit les grandes passerelles qui mènent vers l’extérieur de la Cité, mais elle n’est pas encore prête à les franchir (et encore moins seule). Alors elle se dirige plutôt vers le bâtiment le plus proche des cuisines : les serres. C’est la première fois que Mannaz se retrouve face à une architecture vitrée comme celle-là, à travers de laquelle elle peut apercevoir une végétation luxuriante.

Une fois à l’intérieur, ses yeux se mettent à briller. Fleurs aux couleurs criardes, arbres majestueux, petits insectes qui volent de plante en plante. Soupir d’émerveillement, elle s’approche et tente de retrouver les noms qu’elle a appris il y a bien longtemps. Elle évite de toucher, sa mémoire lui fait un peu défaut, et elle n’aimerait pas se retrouver à l’infirmerie à peine arrivée sur l’île. Quelques pas plus loin, elle retrouve plusieurs bacs avec des plantes qu’elle connaît beaucoup mieux : basilic, menthe, coriandre, persil… Toutes les épices nécessaires pour continuer à concocter de délicieux plats ! Ou un bon thé à la menthe, cela fait si longtemps qu’elle n’en a pas bu un avec de vraies feuilles. Son regard est ensuite attiré par un magnifique arbre aux fleurs roses, comme ceux qu’elle voyait depuis la fenêtre de sa chambre. Elle s’approche et tombe presque nez-à-nez avec une demoiselle aux cheveux noirs, qui semble avoir élu domicile sous cet arbre avec une armée de coussin. « Bonjour… Je te dérange ? » Si elle a l’impression de parler dans sa langue natale, ses mots sont automatiquement traduits de manière compréhensible à la jeune femme en face d’elle. « Je m’appelle Mannaz ! De la délégation de Durmstrang. Je cherchais juste un endroit pour me reposer… et manger mon petit-déjeuner ! Tu en veux ? » Les petits pains sont dévoilés à l’asiatique, feuilletage délicatement doré entourant les barres de chocolat. Qui résisterait à ça ?

Shishi ne s'attendait pas à se faire surprendre par quelqu'un un dimanche matin dans les serres. Pourtant, alors qu'elle est toujours en train de juger la situation, une voix féminine retentit derrière elle. Vivement, l'asiatique se retourne pour faire face à une visage souriant. La dérangeait-elle ? Non, pas vraiment. Elle n'avait pas réellement prévu de passer la matinée à discuter avec qui que ce soit, mais les grands yeux bleus que croisent son regard lui paraissent amicaux et avenants. Cela pourrait être pire. Et puis, elle devrait se faire des amis, tôt ou tard. Ou, des alliés, comme diraient certains. Shishi, elle n'aimait pas penser en ces termes. Aussi, les chassa-t-elle de son esprit et secoua doucement la tête « Hm, non non. Pas du tout. » répond la jeune-fille en terminant de poser un coussin contre le tronc. L'inconnue se présente alors. Mannaz. En dépit du sort de traduction, le mot détonne. La magie occidentale est si différente. Mannaz, se répète-t-elle mentalement, tentant d'imprimer les deux syllabes dans son esprit. Mannaz est de Durmstrang, évidemment. Elle présente à Shishi des croissants à la coque délicieusement dorée. Elle se souvient inévitablement des matins de fêtes à la maison, et le souvenir lui arrache un sourire. Elle s'incline alors poliment, et prend le temps de répondre aimablement « Je suis Shishi, Mahoutokoro. Je t'en prie, installe-toi. Je ne sais pas si j'en ai ramené suffisamment ...  » elle se dirige alors avec son sac à dos, sagement posé à quelques pas de là, et en sort une boite en bois laqué, ainsi qu'un thermos. Elle retourne vers Mannaz, et tout en ouvrant la boite, elle dévoile quelques gâteaux au miel « On peut partager ? Et j'ai du thé vert aussi. » Oui, un matin de fête, ou en tout cas, quelque chose qui y ressemblait. Il n'y avait pas de raison, après tout.