Allongée dans son lit, Shishi sentait son crâne sur le point d'imploser. Elle avait beau fermer les yeux, elle ne parvenait à trouver le sommeil, ce qui la plaçait dans un état de profonde frustration. Autour d'elle, les respirations harmonieuses des autres Mahoutokoro semblait pourtant tenter de la bercer, mais rien n'y faisaient. Trop de pensées se bousculaient dans son esprit embrumé. Les peurs et les espoirs s'y entrechoquaient avec fracas, ne lui laissant pas le moindre répit. Au fil des minutes, un mal de tête semblait être la seule réponse qu'avait trouvé son corps en réponse à ces tourments. Bientôt, l'air lui manqua. Elle avait besoin de sortir.

Prenant garde à ne pas réveiller ses camarades, elle avait attrapé la première tenue qui lui était tombée sous la main ; un legging de sport noir, une brassière grise, et une veste assortie. On était loin des couleurs douces et pastel qu'elle avait tendance à favoriser. Ainsi vêtue, elle ressemblait presque à l'image que les occidentaux se faisaient des ninjas. Douce ironie, pour la Mahoutokoro. Mais elle s'en moquait. De toute façon, à cette heure-ci, qui risquait-elle de croiser ? Ce n'était pas comme si elle se rendait dans les cuisines, après tout.

En silence, elle se glissa hors du dortoir, et se mit en route vers le verger. C'était en tout cas son objectif. La nuit était fraîche, et elle se remercia mentalement d'avoir pensé à prendre une veste. L'air, en revanche, lui semblait épais. Un léger brouillard recouvrait les bâtiments, donnant à l'île des airs fantomatiques. Faisant une pause, elle leva son regard vers le ciel. Les nuages camouflaient les étoiles. Ce n'était pas une nuit idéale pour faire une ballade au clair de lune. De toute façon, c'était toujours mieux que l'ambiance oppressante du dortoir.

Shishi marcha plusieurs dizaine de minutes avant de réaliser que l'air s'était encore épaissis, et qu'elle aurait dû, depuis longtemps, avoir atteint sa destination. Une fine pellicule de sueur collait ses cheveux à ses tempes. Elle ralentit sa marche, et saisit sa baguette. Hikari, murmura-t-elle. Une douce lumière apparut alors et se mit à danser autour d'elle. Elle ne reconnaissait pas l'endroit. Elle fit encore quelques pas, et remarqua que ses chaussures de sport adhéraient un peu trop bien au sol. Chaque pas qu'elle faisait était accompagné d'un désagréable bruit de succion. A priori, elle avait marché à l'aveugle, son cerveau décidant de se mettre en veille le temps de la marche, et la voilà qui était au milieu de nul part. Ce n'est rien, murmura-t-elle pour elle-même dans sa langue natale. Elle n'avait qu'à revenir sur ses pas, n'est-ce pas ? Elle se retourna, et prit conscience, avec effroi, que le brouillard était devenu bien trop épais pour lui permettre de savoir d'où elle venait précisément. Ses repères étaient brouillées, et il semblait bien ardu de retrouver son chemin dans la nuit d'encre. La jeune-fille s'y employa néanmoins. Avant de se figer lorsqu'un bruit de succion qui ne lui appartenait pas parvint à ses oreilles. Sa baguette toujours fermement dans sa main, elle appela « Qui est là ? » d'une voix moins maitrisée qu'elle l'aurait aimé.

Et l’astre de s’exécuter. Un peu flou dans la tête, il a marché les mirettes droit sur l’écran, guettant le moindre mouvement des barres tant désirées, dans la direction indiquée par le roi tonnerre d’un geste vague.

Il y est donc. Tout à fait perdu. Voix féminine le sort de la grise torpeur, soleil sursaute doucement et grimace à cause du bruit. D’abord il ne comprend pas trop, mais comme l’étrangère paraît inquiète il se force à répondre avant de réfléchir. « Ça va, ce n’est que moi. » Réplique inutile pour la plupart des vivants, dans la bouche princière c’est plus qu’évident. Parce que toute l’île a pu l’entendre après avoir grimpé sur l’estrade, parce que sa voix fait de toutes les syllabes la plus charmante mélodie. Demoiselle n’a pas dû trop le revoir depuis, divinité presque invisible au-delà de quelques pas comme si la lumière se pliait pour le protéger des regards affamés.

Cellulaire passe dans la dextre, allume le flash pour se repérer un peu tandis que l’autre main saisit la baguette (en bois de rose, finement ouvragée). Il y a un mal qui doit être réglé avant toute autre chose et la rose se pointe vers ses chaussures tandis qu’un Impervius est chuchoté. Il a trop fière allure avec ses chaussures, son pantalon gris clair, sa chemise ivoire aux manches retroussées, bracelet or au poignet qui se répète dans la tignasse, silhouette trop élégante pour laisser la boue la blesser. Rien ne se passe, l’idée de la substance gluante recouvrant les vêtements agite déjà trop l’adonis.

« Hm. Pourrais-tu..? » Azurs glissent sur la jeune femme, sa baguette et reviennent à ses pieds avec un sourire qui s’efforce de rester brillant. Il ne comprend pas trop où il est, par quelle malédiction le sol peut en vouloir si fort à ses apprêts, depuis quand la terre elle-même peut s’avérer malveillante. Lui foule d’ordinaire le bitume, le sable fin ou les pelouses parsemées de fleurs d’été.

Citation :

(moins 5 la boue ça tâche)
1 - 10 : ça tâche mais ça s'enfonce en plus
11 - 56 : beurk
57 - 90 : ça glisse sans pouvoir blesser les vêtements
91 - 100 : imperméable ET un peu plus léger

Shishi plisse les yeux, et finit par distinguer une silhouette familière s'avancer vers elle. Il lui fallut une poignée de secondes pour reconnaître l'aura si particulière qui s'en dégager, et l'associer à celui qui avait tenté prendre la place de son directeur, quelque jours plus tôt. Sol. Dieu du soleil. Alter ego d'Hélios. Frère de Luna. Que faisait le soleil, perdu dans les marécages, durant la nuit ? En dépit de son habit de lumière, l'environnement désolé semblait ternir son éclat. Voilà qui était bien triste. Ce n'était que lui, disait-il. Après l'avoir vu en action lors de la soirée d'accueil, Shishi devait admettre qu'elle trouvait surprenant qu'il puisse ajouter un "que" devant le mot "moi", mais elle s'abstint de tout commentaire. En vérité, elle s'abstint de toute réponse. Ce qui l'intéressait, c'était de savoir ce que le demi-vélane faisait là, et puis, de s'en éloigner le plus rapidement possible. Oh, elle n'avait rien contre lui précisément, mais il avait un peu trop de charisme pour le petit coeur de l'asiatique. Est-ce que ça l'effrayait ? En quelque sorte ...

Une lumière se met alors à briller d'un éclat froid et artificiel. Shishi se retrouve aveuglée, une fraction de seconde avant de réaliser que l'Ilvermorny tient, dans sa main, un portable. L'asiatique avait pourtant cru comprendre qu'il n'y avait pas de réseau, sur l'île ? et que les moyens de communication avec l'extérieur n'étaient pas spécialement les bienvenus ? Voilà qui était suffisant pour attiser la curiosité. Mais elle n'a pas le temps d'ouvrir la bouche qu'elle assiste, impuissante, à l'échec d'un sort de première catégorie. Elle ouvre la bouche, ses traits figées dans une expression de surprise. Mais que fabrique-t-il, pour l'amour des cieux ? Et lorsque se pose sur elle ses iris azur, c'est pour formuler une question. Pourrait-elle ? Pourrait-elle quoi ? D'habitude, elle est celle qui ne finit pas ses phrases. Elle comprend à présent en quoi cela peut-être gênant. Le sourire se veut brillant. Il y parvient. Et Shishi comprend. Enfin, elle pense comprendre. Son regard se porte alors à nouveau sur les chaussures. Pourquoi s'habiller avec autant de soin si c'est pour aller se perdre dans un marécage. Elle a du mal à suivre la logique de l'être de lumière, mais dans un demi-soupir, elle lance un impervius à voix haute, claire, et distincte. Le sort fonctionne, bien sûr. En dépit de son incrédulité, elle demeurait parmi l'élite.

Une fois les chaussures hors de danger, elle croise à nouveau le regard océan du sorcier. Elle est intriguée, elle doit bien l'avouer. Et une question lui brûle les lèvres, plus que toutes les autres ... « Ca capte bien ? »

(j'en reviens pas que je vais vraiment faire ça) :

Étrangère libère de la malédiction et jeune roi peut respirer. « Je te remercie. » Il décoche un peu tard avec un sourire qui veut rattraper l'impolitesse, guère habitué à se montrer plus que supportable avec le personnel. Et la môme si discrète qu'on l'oublie, la gamine qu'on omet de venir chercher dans le placard après la partie de cache-cache, il a beau savoir qu'elle tient le haut du classement pour le moment il la considère à peine.

L'asiatique fixe le cellulaire avec des mirettes toutes rondes et ébahies comme si elle n'en avait jamais vu et sorcier se souvient que ce peut être une éventualité. Alors il le tend vers elle (flash toujours on, oups), prêt à lui expliquer en quoi consiste cette merveille quand tombe la question. Estomac se tord et gosse cligne des yeux. Il l'entend presque qui résonne, répète à l'infini ce mot magique, béni qui n'est plus que souffrances depuis son arrivée.

Crinière céleste secoue, vive, à plusieurs reprises, azurs coulent sur le téléphone comme la marée elle monte. Discrètes perles au bord des yeux, il chuchote si bas qu'on croirait qu'il mentionne un disparu. « Non, justement... » Astre bat des cils, tente de chasser les larmes qui glissent brûlantes. « Je ne sais pas ce que je vais faire.. » Il a l'air défait le brillant apollon, vaincu et terrifié et même pas parce qu'il est perdu dans les marais avec rien que les étoiles (qu'il ne voit pas) et sa lampe pour se guider.

Ça, ça lui passe tellement au-dessus que quand il lève enfin ses mirettes embuées pour regarder autour, et qu'il remarque qu'il ne discerne rien il lâche un petit hoquet. Une exclamation stupeur. L'absence de réseau, l'incapacité de joindre ses abonnés atteint trop les nerfs pour qu'une autre peur atteigne les idées. « Que fais-tu ici ? » où est ici, d'un revers de poignet il frotte les paupières.

Citation :

1 - 25 : il pleure
26 - 50 : panique
51 -75 : larmes aux yeux
76 - 100 : ça va

Lorsque Shishi lui demande si ça capte, elle s'attendait à tout un panel de réactions, en fonction de la réponse. Elle ne pensait pas réellement qu'il y ait du signal au beau milieu d'un marécage, pour commencer. Même en dehors de l'île, les marécages n'étaient pas le meilleur endroit pour faire fonctionner un appareil électronique. De plus, elle était à peu près persuadée que les professeurs s'étaient assurés qu'aucune communication avec l'extérieur ne puisse avoir lieu tant que les recrues étaient sur l'île. Cela aurait été bien trop dangereux. Un seul traître, et c'était l'opération toute entière qui tomberait à l'eau à coup de textos. Cependant, elle était loin de s'imaginer que l'américain se mettrait à ... pleurer ? L'obscurité lui jouait-elle des tours ? La boue libérait-elle des gaz hallucinogènes ? Non. Shishi était sûre d'elle : le soleil était en deuil. Légèrement ébahie, ses neurones tentent de trouver une explication logique à pareil comportement. Puis, elle comprend, et ses traits prennent un air de compassion. « ano ... tout se passera bien ... on est tous un peu perdu, mais on peut compter les uns sur les autres ... » Quand sa directrice de délégation lui avait annoncé que les contact avec l'extérieur étaient interdits, Shishi avait, elle aussi, senti son coeur se briser. « Et on ne restera pas infiniment sur cette île. On finira par rentrer chez nous, tôt ou tard » en prononçant ces mots, elle tente de se rassurer autant que le garçon. Après tout, que ne donnerait-elle pas pour entendre la voix de ses proches au bout d'un téléphone ? Son père ignorait probablement comment s'en servir, mais il y aurait bien quelqu'un à la maison pour lui apprendre à décrocher. Alors, oui, Shishi était bien placée pour comprendre la douleur ressentie par cet être arraché à son cocon, et compatissait réellement à sa souffrance.

Finalement, l'américain lui demande ce qu'elle fait là, et aussitôt rougissent ses joues. Pour une numéro deux, elle aurait aimé faire meilleure impression. Pas que le classement lui importe, mais qu'elle se sentait vachement ridicule, sur l'instant. D'un autre côté, elle n'était pas vraiment certaine de pouvoir ternir son image, vu qu'elle doutait que le blond se souvienne d'elle le lendemain. Oh, ce n'était pas un reproche. Elle y était simplement habituée. « Je n'arrivais pas à dormir, alors j'ai voulu marcher un peu et ... je crois que je me suis perdue ... » A ce stade, c'était plus qu'une croyance. Elle était complètement paumée. Mais elle n'était pas forcément prête à l'admettre. Elle jeta alors un regard autour d'elle, une nouvelle fois, comme si elle espérait que l'on distinguerait au loin les bâtiments de l'Esperanto. Rien, bien évidemment. Elle poussa alors un soupir et reporta son attention sur l'américain « Tu sais comment on rentre ? » demanda-t-elle en désespoir de cause. Après tout, ils ne pouvaient pas être deux à avoir perdu la notion du temps et des distances en se baladant en pleine nuit ?