Les effluves glissent encore dans les veines, bulles pétillantes qui donnent le sourire à l’Aurore. Elle était partie avec les autres, mais sur la route vers le dortoir, éclat de lucidité soudain et demi-tour. Elle dit qu’elle a oublié quelque chose, mais elle veut surtout vérifier que personne ne fasse disparaître les délicieux liquides auxquels elle a goûté ce soir. Ce serait trop bête de gâcher – et elle n’aime pas le gaspillage. La fille qui mélange tous les restes d’alcool pour ne rien jeter, c’est (trop) souvent elle.
Ce soir, tout semble facile. Déconcertante Aurora qu’elle s’approprie si bien, discute avec les autres élus, marche comme si elle volait. Même retrouver son chemin jusqu’au buffet semble aisé – sans compter les ombres qu’elle a l’impression de voir s’animer et fondre sur elle, éclat de rire qui résonne sur les bâtiments quand elle se rend compte que ce n'est qu'un jeu de lumière. Le trésor de liquides est proche, elle voit les rayons de la lune se refléter dans les grands saladiers.
« Ah j’ai rien pour les transporter… » qu’elle constate à voix haute. Elle pourrait ramener tous les saladiers en les faisant léviter, mais l’esprit embrumé mènerait à la catastrophe avant d’atteindre les dortoirs.
« Je ne vais pas tout boire quand même… » Soupir exaspéré, mais elle n’a pas le temps d’atteindre les précieuses boissons.
Un commentaire américain qui vient de derrière elle. Cri de surprise de l’Aurore qui se transforme en mélodie rieuse. La punition de Kora lui revient en tête avant qu’elle ait eu le temps de lui demander pourquoi il était encore là à regarder les décombres d’une soirée.
« Je venais t’aider à vider ces saladiers… » Mais le garçon tourne déjà les talons.
« Mais en fait c’est plus drôle de te regarder. » Insolence au bout des lèvres, entre lesquelles elle glisse une cigarette. Le venin lancé d’en face glisse sur elle, pour une fois elle ne répond pas à la provocation et se contente de sourire.
« Je t’ai cherché toute la soirée, mais t’étais trop éblouissant pour que je te reconnaisse. » Flamme au bout de la baguette vient allumer la cigarette avant que la fumée bleue quitte ses lèvres en tourbillonnant vers le ciel.
« Je ne voulais pas te voler la vedette, Sol. » Elle a plusieurs longueurs d’avance sur lui.
« Aurora. » qu’elle chuchote comme un secret qu’elle lui confierait.
« J’espère que tu auras fini avant que l’aurore arrive. Difficile de connaître l’heure quand le soleil est couché. » Ricanement encore, une montre quitte la poche de son sweat pour atterrir dans la main de l’Américain.
« Et de rien. »