Alors c'est ça, le projet Esperanto. Des sorciers du monde entier, certains semblent même pas savoir pourquoi ils sont là. Aurora, elle sait. C'est la continuité. Son numéro vingt-sept ne lui suffit pas, elle veut monter, plus haut, bien plus haut - et pourquoi pas jusqu'au soleil. Le chemin va être long, certaines autres recrues sont puissantes... même si la majorité semble ne pas en avoir à faire grand chose du classement. Bientôt, il faudra s'exercer tous les soirs. Mais pour l'instant, c'est comme la semaine de la rentrée à Ilvermorny : les professeurs se présentent, expliquent leurs méthodes, évaluent les recrues... rien de bien concret à travailler. Alors l'Américaine veut profiter de ce répit qu'on leur laisse pour prendre ses marques sur l'île.

Plus tôt dans la journée, elle a entendu un groupe de Reqem parler du potager et du verger. En tant que bonne inspectrice des travaux finis, Aurora trouve important d'aller constater ce qui pousse par là-bas. Et en tant que flexi-vegan, c'est aussi important de savoir si elle va être condamnée à ne manger que des pommes de terre et des blettes pendant tout son séjour ici. Main dans les poches de son sweat trop grand, elle traverse la passerelle nord et admire l'eau en contrebas. Dommage que ce soit bien trop haut pour pouvoir sauter... Elle rêverait de pouvoir nager un peu, dans cette eau qui semble si pure. Bon, ils sont sur une île, elle trouverait bien un endroit pour faire trempette un jour ou l'autre. D'ailleurs, l'eau pour arroser le potager doit bien venir de quelque part, d'une source, d'un lac, de n'importe quoi où on peut tremper plus que le bout de ses orteils. Ce serait peut-être sa prochaine destination.

En attendant, les plantation se dessinent, surtout celles du verger. Elle voit les pommes encore vertes... mais surtout les pêches qui ont l'air parfaitement mures. N'était-ce pas l'heure du goûter ? Elle trottine presque jusqu'aux pêchers, cueille un fruit et se délecte de son jus si sucré. Elle pousse un soupir de ravissement en même temps qu'elle entend une lamentation à quelques pas de là. Comme dans un dessin animé, sa tête émerge discrètement de l'arbre pour chercher à qui elle a affaire. A une dizaine de mètres d'elle, un jeune homme roux - au visage pas tout à fait inconnu - est assis en boule, adossé à un pommier. Evaluation rapide : à première vue inoffensif. Et à mieux y regarder : complètement inoffensif. Aurora, elle est pas trop à l'aise avec les gens qui pleurent. Mais elle laisse pas non plus les gens dans des situations difficiles. "Hey." Elle préfère s'annoncer, histoire de pas se recevoir un sortilège pour l'avoir surpris.  "Ça a pas l'air d'aller, dude." Elle reste un peu à distance, le temps de voir comment réagit le rouquin. Parce que les mecs, souvent, ça aime pas être surpris quand ça pleure.

Ça gémit le truc à ses pieds. Bon, au moins, il l'envoie pas bouler avec un sortilège à la con, c'est déjà ça. C'est un peu gênant, quand même. Son côté Gollum avec son précieux, mais après tout, qui est Aurora pour juger ? Elle regarde la flasque que lui tend le roux, effectivement vide. "Oh boy, désolée." Elle comprend pas trop pourquoi ça le met dans cet état, d'autant plus qu'il se remet à pleurer de plus belle. Et des vraies larmes, les mêmes que celles d'un enfant à qui on aurait retiré une délicieuse glace au chocolat. Serait-il en train de faire un caprice ?

L'espoir renaît dans son regard, celui qui s'était dramatiquement écroulé au sol semble revenir à la vie. Et veut lui taxer de quoi boire. Au moins, c'est direct. Aurora préfère ça à quelqu'un qui ferait des détours et des détours pour arriver à une simple demande. "J'ai rien sur moi." Mais bon, c'est pas comme si elle s'était fait beaucoup d'amis depuis son arrivée sur l'île. Au mieux, les gens l'ignorent. Au pire, ils la regardent de haut. Après tout, elle n'est qu'une Américaine. Elle n'a pas connu la guerre chez elle, et il semble impossible pour la majorité de l'imaginer autrement que comme une lycéenne écervelée semblable à celles que l'on voit dans les séries moldues pour adolescents. Pourtant, sa vie était loin de ressembler à un épisode de Riverdale - quoique ? Après tout, telle Veronica ou Cheryl, elle a ses propres réserves. "Bouge pas, j'reviens."

Une bonne vingtaine de minutes plus tard, l'Américaine réapparaît auprès du roux. C'est que le dortoir des Ilvermorny, il est pas à côté. Il faut traverser le pont, traverser les premiers dortoirs, passer sous l'érable argenté, atteindre les dortoirs et puis faire le chemin retour. Après, il faut dire aussi qu'elle s'est pas trop trop pressée. Ça aurait été louche. Et elle n'est pas trop sûr du degré de légalité de la consommation d'alcool sur l'île. Elle croit se souvenir que c'est toléré, mais pas spécialement encouragé. Bah, au pire, elle irait se plaindre à son directeur pour qu'il arrange ça. L'Aurore attrape la flasque du roux, qui n'oppose aucune résistance - probablement trop dépité pour ça. Elle la remplit à la moitié, se disant que s'il est sympa, elle lui remplirait en entier. "Tiens. Vas-y doucement, c'est du bon gin." qu'elle dit avant d'avaler à son tour quelques gorgées. Toujours commencer par l'alcool. "Aurora, d'Ilvermorny. Et toi, du coup, t'es qui ? Tu viens d'où ?" Elle se laisse tomber à côté de lui - un peu plus élégamment certes - et s'assoie en tailleur. Les cours viennent seulement de commencer, pas encore de devoirs - si ce n'est le questionnaire pour le cours de renseignements, qu'elle a déjà fini de remplir. Elle peut bien s'autoriser à profiter un peu, non ?