Les yeux fixés droit devant, la démarche militaire, le menton relevé, pas un poil de travers sur ses joues, ça transpire la discipline. Pourtant, y'a ses bottines pleine de boues qui  laissent des traces, les manches de sa chemise blanche remontées avec nonchalance où gisent des cicatrices profondes, fines et brutes, et ses cheveux coiffés avec désinvolture. Incernable, peu bavard, Lenine inquiète autant qu'il suscite la curiosité. Y'a du charisme derrière la froideur qu'il dégage, de la chaleur dans ses gestes maniérés et polis, il a l'air aussi complexe qu'un puzzle de dix mille pièces.

Il porte des gants blancs. Toujours. Parfois, il se permet une petite folie et les porte noirs. Personne ne sait, on ose pas poser des questions à Lenine. Non. De toute façon, pas sur qu'il réponde. C'est l'genre de type qui calcule le nombre de ses mots, qui juge d'un seul regard si son interlocuteur mérite une réponse. Malgré ça, il est docile avec la hiérarchie. Il fait ce qu'on lui dit. Peut-être même un peu trop, parfois, il semble vouloir trop en faire. C'est presque malaisant, alors qu'il semble complètement indifférent à ce qu'il se passe sur cette île.

En fait, on dirait qu'il a été posé là pour faire joli et être utilisé comme un jouet.

Y'a un truc qui tourne pas rond chez ce type. Il vous regarde dans les yeux, et pourtant, il ne vous accorde aucune importance. Mepris est lisible, indifférence, neutralité.
La légende raconte qu'on ne l'a jamais vu sourire. C'est pas un gars qui prend de la place, il ne s'impose pas. Il est le silence, observe et analyse. Yeux semblent ne jamais lâcher prise, pupilles sont loin d'être fuyantes. Mâchoires sont serrées, mains ne tremblent pas quoi qu'il arrive. Il résiste Lenine. Peut-être la personnification du calme avant la tempête.

Il est réglé comme une horloge. Réveil qui hurle à six heures, couché à vingt-deux. Footing dès le matin, quelques squat et des tractions. Se douche, ne parle pas avant qu'un professeur lui pose une question. Lenine fume autant de clopes qu'il tient à flot son cardio. Il n'a pas l'air de vouloir prendre des risques, ne s'éloigne jamais. Ne semble pas disposé à faire preuves d'initiatives. Parfois les yeux se perdent et jalousent des groupes d'étudiants. Y'a un voile de tristesse ou de regrets qui glisse devant ses iris, ça dure quelques secondes, c'est impalpable. 

VANINA
29 PIGES BORDEL
RAFAEL MILLER
DOOMDAYS L'UNIQUE