Dimanche. Sainte journée. Du repos, pas de travail, de la détente. Pourtant quand il émerge de sa sieste Galaad, il a l’impression qu’il s’est fait rouler dessus par un trente-trois tonnes et demi. La montagne ici, c’est pas synonyme de détente, c’est synonyme de mort imminente. Surtout quand on a encore trois grammes dans chaque bras ou la chance d’un mec qui fracasse des miroirs tous les matins. Il s’étire, à l’impression que tous ses membres sont couverts de bleus, est-ce que par hasard il aurait dévalé la montagne en roulant ? Presque. Il grimace. Grogne. Haleine chargée qui lui chatouille les narines. Comme un requin qui peut sentir une goutte de sang dans une piscine olympique, il sent qu’il manque de whisky dans son système sanguin et il part à la recherche de sa flasque. A moitié vide. Regard désespéré dans le dortoir. Putains de saints Poudlard qui ont jamais rien à boire. Peut-être que Mordred pourrait lui dépanner un truc. Juste de quoi tenir la journée du lendemain. Tant pis.
Il prend quelques gorgées de liquide. L’alcool le pique presque plus, les bonnes habitudes reviennent rapidement. Il hoche la tête d’un air satisfait. Boit un peu plus. Si certains se félicitent du nombre de tractions qu’ils peuvent effectuer sans vomir, lui se félicite du nombre de shots qu’il peut s’enfiler sans s’évanouir. C’est un sport aussi, d’entraîner son foie. Sur ses considérations olympiques, il décide de se lever, enfile un pantalon de survêtement troué. Il ne s’est pas encore lavé, mais se dit que sa petite baignade dans la fontaine fera affaire de bain pour le weekend. Il en a rien à foutre de sentir le cendrier froid et le sol de boîte à sept heures du mat. C’est pas comme s’il partait faire grand-chose de toute façon. Traîner autour des dortoirs comme une goule en mal d’alcool ne requérait pas une hygiène corporelle du feu de dieu.
Trouver à boire, l’activité qui l’aura occupé le plus ces derniers temps. Ou quelqu’un à embêter. Ou quelqu’un à embêter et qui a à boire, le combo gagnant. Enfin, il ne se fait pas trop d’illusion. L’alcool est aussi rare qu’un russe qui fait pas la gueule ou un anglais qu’on peut aimer. D’ailleurs y en avait un là, de russe, qui avait l’air aussi aimable qu’une porte de prison et qui fixait d’un air obstiné quelque chose qui dépassait Galaad. Il s’approcha timidement, son odeur ayant déjà sans doute annoncé sa présence depuis de longues minutes et se positionna derrière le Russe pour essayer de suivre son regard, fixé sur le dortoir américain. Tête qui se penche à droite, tête qui se penche à gauche, un pas sur le côté, un pas de l’autre, il manquait plus que les mouvements de bras pour faire la Macarena façon mec bourré 2.0. Bon y a pas à dire, il a beau se dévisser les cervicales dans sa meilleure imitation de la fille de l’Exorciste, il comprend vraiment, mais vraiment pas ce qu’il fait l’autre là, à part gober des chocolats avec un air énervé en étant beau. Beau mais dans le genre méchant-je-vais-te-casser-la gueule-si-tu-me-parles-mal-ou-si-tu-me-parles-tout-court et donc Galaad il s’assoit sagement relativement loin, histoire d’être sûr de pas être à portée de crochet du droit si jamais il y avait méprise sur la personne ou que l’autre décide de le tuer d’un regard. Il croise les jambes en ouvrant de grands yeux doux pour bien faire comprendre à l’autre qu’il est là en paix (ou alors qu’il a un problème de thyroïde avec ses gros yeux exorbités de mec sous crac, l’interprétation est libre).
Petit raclement de gorge pour faire comprendre qu’il va parler.
« Hello friend, tu vas bien ? Tu travailles sur ta résistance au diabète ? » Gloussement débile de pintade écervelée.
« Non, sérieusement, qu’est-ce que tu fais ? Le bâtiment va pas bouger tu sais, donc je vois pas trop le point de rester-là à fixer la porte… » Si la montagne ne tue pas le Galaad, le Lénine le fera sûrement.