Sillon d’eau – sueur plutôt. Les draps sont quittés rapidement et le corps se réfugie dans la salle de bain – double tour. Elle tremblote un peu mais ne pleure pas – cauchemar incertain. Les cernes sont creuses – bleutées même, alors que d’habitude le visage poupon ne reflète rien du manque de sommeil. Aujourd’hui elle a seulement l’air maladive – les cheveux sont remontés, parce que longs ils seront fous et négligés. La queue de cheval balaie la nuque à chaque pas qu’elle fait. Survêtements enfilés – besoin pressant d’évacuer les idées. Et elle sort du dortoir, à la découverte d’adrénaline libératrice de maux.

Elle n’est pourtant pas sportive – quoiqu’étrangement souple. C’est le genre qui préfère les activités calmes. Mais elle sait courir, a la technique qu’il faut bien que le souffle court, comme en perpétuel recherche d’air, de ce divin oxygène salvateur. Les pas s’aventurent près de la forêt et la Lune arrête sa tournée, les astres glaciaires happés par son aura meurtrière. Il faudra qu’elle y mette les pieds un jour – parce qu’elle est dangereuse mais charmeuse. Elle pourrait y aller de suite – maintenant.

Mouvement capté – non. C’est les foulées qu’elle entend – quelqu’un qui court pas trop loin. Alors l’enfant lunaire cherche puis trouve – un garçon qu’elle reconnaît un instant, dans la silhouette au loin, presque animale. Elle l’a croisé, de loin, déjà – et on a du lui souffler sa particularité. Ça ne l’a pas perturbée – pas elle qui danse dans la nuit. Ce dont elle se souvient toutefois c’est la forme qu’à pris la morsure – apposée à jamais.

Elle sait pas trop comment – sûrement les jambes qui n’en font qu’à leur tête – mais elle est là à présent, devant lui – pas tout à fait. Et les yeux se font vitreux – vitrine de scènes qu’elle préférerait effacées. « Oui ? Tu as quelque chose à me demander ? » Oups. Ca revient sur terre un peu – prend des rougeurs de honte parce qu’elle ne s’en était pas rendu compte - que les iris fixent depuis trop longtemps. Puis bafouille qu'elle est désolée. Non non, elle n’a rien à lui demander – mais toujours elle ne lâche pas le cou du regard – qui se fait perçant et plus déterminé d’un coup.

« Ca te fait encore mal ? » Douceur non contrôlée dans la voix – pas d’inquiétude, loin d’être brusque – seulement une question dans son plus simple apparat. Main ramenée à sa propre gorge – frôlant plus que touchant, ne pressant jamais.

Il lui paraît bien sauvage – ça ne l’inquiète pas – esprit qui ne se focalise que sur une seule chose. Alors elle questionne, demande à savoir – curiosité qui pourrait avoir raison d’elle, qu’elle maintient toujours sur le fil. Pas cette fois, elle ne le connaît pas, devrait se taire – ou se montrer polie comme elle le fait toujours. Mais la chaire qui de loin paraît si vive, si crue – viande sur le point d’être dévorée, elle ne peut que la contempler puis donner ses explications sous la forme d’interrogations. Mais au moins, elle ne se démunit pas de sa douceur naturelle – peut-être même encore plus délicate que d’ordinaire, un peu fragile, poupée de cire.

Réponse qui soulage un peu - "non" simple, cueillie par le regard curieux qui s’accompagne. Consciente soudainement de l’image qu’elle rejette – joues qui rosissent encore un peu – enfant de l’émotivité, dont les humeurs semblent être dictés par l’astre blanc – et ce soir la lune est entière.

Et elle hésite un peu d’un coup – ne sait pas trop. Est-ce qu’elle doit lui donner son nom ? Est-ce qu’il en voudra seulement ?