Ah, le lundi matin, ces oiseaux qui chantent, la petite brise légère qui vient soulever des fins rideaux pendant misérablement devant des fenêtres ouvertes. La douceur d’une couette et l’impression d’un oreiller sur le coin du visage, comme un aveu de repos plutôt réparateur. La petite moue qui se dépeint sur certains visages dans un dortoir, de celle que l’on tire lorsqu’on sait qu’on va bientôt devoir se lever et trimer.

Et puis, le son disruptif d’un réveil matin, qu’on rêve soudainement d’éclater contre un mur, avec tendresse. Mais le geste ne suit jamais et à la place, on bondit, maudissant cette saloperie créer par des esprits complètement mauvais. De la famille de mage noirs, sans aucun doute. Parce que même quand on avait l’habitude, se réveiller avant même l’aurore, ça fait grogner.

Et c’est péniblement que Suhail démarre cette journée. Avant un paquet d’autres camarades qui avaient eu l’obligeance de mieux se classer. Peut-être qu’il aurait dû réfléchir, pour une fois dans sa vie, avant de rien foutre. Mais en même temps… Après, il fallait continuer à subvenir aux idéaux que les gens vous collaient, comme si c’était votre faute.

Mais en même temps, son frère disait toujours que si tu voulais d’la moulaga, tu devais trimer.

Va savoir où il avait entendu ça, celui-là.

Suhail, si on lui demandait son avis, son lundi matin, il serait autrement. Peut-être un petit footing, quelques pompes et séries d’exercices abdominaux pour faire genre, avant d’aller se bourrer la panse avec le labeur des autres. Sauf que là, c’est lui qu’on attend, avec 9 autres clampins et quelques tarés qui ont rien de mieux à faire, pour préparer la bouffe pour… 79 personnes. Plus les professeurs et les directeurs, sûrement alors qu’aucun viendrait traîner en arrière cuisine filer un coup de main.

Un poil à la bourre, il s’est encore perdu. Bizarre, c’était pas plus au Nord, la cuisine ? Il a vraiment un problème avec le Nord, ici. C’est fou.  Quelques sourires d’excuses, rapide connaissances avec les autres larbins et déjà, on le fout à un poste dans un coin. Sauf que… « C’est pas que je veux pas mais… Y a quelqu’un ici qui a déjà fait des viennoiseries ? » D’habitude, il les mange, tranquille, au lit. Et s’il doit se faire un petit déj, en général, c’est céréales et fruit. Pourquoi ça convient pas à tout le monde ici ?

Regard désemparé, chacun est occupé. Bon… Une odeur de café l’allèche et il se dit qu’il y arrivera certainement beaucoup mieux après avoir ingéré le précieux nectar.  A côté du percolateur, une brune, relent d’iconoclaste mais surtout de promesses de fuite, semble vouloir s’y noyer. Ou disparaître. Ou maudire la terre entière d’être coincée ici. Ou peut-être que ce sont ses propres désirs qu’il projette sur les autres.

« Il est bon, au moins ? » Il hésite qu’en même à s’en préparer comme chez lui. Parce qu’au moins, il est sûr que c’est buvable. Noir, sans sucre. Juste ce qu’il faut pour réveiller un mort. Mais vu le choix et le monde, autant pas faire le difficile et se servir une tasse.

Pas mauvais. Ouais. C'est vraiment les bons mots pour désigner ce truc. Ça se boit. Ça réveille pas un mort mais à moitié, à la limite. C'est du bon café de cafetière, quoi. Il devrait pouvoir survivre. En principe. Au moins pour 2 semaines. Plus, ça semble devenir compliqué mais on vivra au jour le jour, ici.



« Bon... Faut p'tre s'y mettre quand même un peu avant qu'on nous impero la tronche. » Parce qu'il doit bien y avoir un ou deux fou furieux de la cuisine, prêts à tout pour assouvir les besoins d'estomac qui hurlent à la famine. Oeuf, farine, beurre, sucre. Ok, il devrait pouvoir s'en sortir non ? Il a de vagues souvenirs de pâte feuilletée. Après, suffit de mettre en forme non ?

Allez, ça mélange, ça tourne, ça retourne. Plus il avance, plus il s'en souvient. Incroyable quand même. Petit temps de refroidissement et tout. Franchement, pas si mal pour une première étape.

Résultat dé | 67 - 10 = 57: