L’air est doux, samedi soir, dans l’amphithéâtre quelque chose se trame. Mizuchi a passé une bonne partie de la journée à assurer la réussite de l’évènement de la nuit, et il fallait dire que ça l’avait épuisée. Le nombre de chansons qu’elle avait dû enregistrer dans le programme, de réglages, de détails lui avait valu un mal de tête qui ne voulait pas s’apaiser. Un seul remède à cela, comme chacun le sait : une bière fraîche et du silence. Elle avait donc établi son apéro de fortune près de l’eau, loin des amplis que l’on testait, de l’agitation qui grimpait. Et surtout, loin des râlements chroniques de tous ceux incapables de comprendre la beauté d’un karaoké réussi.

Installée sur une couverture, un pack de six bières brunes très fraîches à son flanc, et une cigarette entre ses lèvres pleines, la coréenne respirait enfin. La vue du lac ouest reflétant les couleurs du soir distillait la sérénité dont elle avait besoin, avant d’affronter la foule et les braillements à venir. La coréenne buvait doucement, savourant l’alcool froid, la rondeur de la bière. Elle savait qu’elle exposait un fruit défendu, mais l’avait seulement piqué des réserves pour la soirée, et techniquement, la soirée avait commencé, non ?

Au loin, de nombreuses recrues rentraient de leur journée de repos, de leur sieste post-aventure dans le désert, de leurs flâneries ou de leurs entraînements pour les plus zélés. Elle les regardait passer, comme on observe un intéressant phénomène naturel, souriant aux plus proches. Puis une silhouette sembla s’attarder plus que les autres, visiblement intéressée par le trésor ambré de l’instructrice. Mizuchi reconnut sans peine le galbe et la noblesse toute particulière de leur fée municipale. Pourquoi pas, après tout ?

Elle leva une bière dans sa direction, l’invitant à se joindre à elle, si elle n’avait rien de mieux à faire. Son attitude toute détendue ne devrait pas dissuader la Britannique, qui peut-être pouvait s’attendre à une brimade de sa part après leur … friction diplomatique, pendant son cours. Bien que cela soit le moindre de ses soucis, et que la jeune femme eut plus à craindre d’elle au sujet de quelque autre trivialité. Enfin, si elle le souhaitait ce soir, rien de bien méchant ne devrait lui tomber dessus. Qu’elle vienne en paix, puisque Mizu ne préparait pas encore la guerre. Rien de grave ne saurait arriver autour d'une bonne bière.

Samedi - rimant avec salvation, ou presque. A une ou deux syllabes près. Un peu comme la britannique, qui rimait avec iconique - à un ou deux détails près. Qui déambule - sans faire de bulles, au sein du parc. Se pare de la fraicheur tendant à gouverner les lieux - et même si il fait chaud, c'est toujours plus frais que les températures régnant au sein du désert. Aurait cependant dut aller dormir, vu comment ça a l'air fatiguée. Mais y a trop de bruits, d'parasites, pour espérer attirer Morphée - capricieux. Écho mélodieux - ou pas, suivant les test, émanant de l’amphithéâtre. Ça résonne et ça bourdonne - car c'est fort un peu quand même, au moins ça manquerait pas de ramener du monde.

Frivole, ça flâne - ci et là, s'attarde vaguement sur ce qui prend forme. Erre près de quelques silhouettes causantes, de ce soir probablement - enfin, c'est déjà le soir, mais de plus tard ce soir quoi. Ça croit discerner le mot karaoké. Original. C'était pas très commun - ou en tout cas pas au Royaume-Unis, pas pour Viviane. S’imaginait cependant sans grand mal que ça devait être une animation très populaire au sein des camps de vacances. P'têtre voir à renommer l'Esperanto en Camp Espévacances. Au moins, ça rend curieuse, la karaoké - faute d'avouer qu'elle a la curiosité facile, l'étrangère.

Prunelles s'attarde sur le lac, vague bruissement des flots s'écrasant à même la rive pour chant mélodieux - plus que le bruissement des ampli. Lueurs chatoyantes dansantes, près de la silhouette qui interpelle. Mizuchi. Traits vaguement distingués illuminés des éclats orangés de l'astre solaire déchantant. Desquels luit un bien intriguant, au creux des mains et près du flanc - bière. Pourquoi est-ce qu'ils avaient toujours de l'alcool à la main, ces Mahou' ? Y avait " tendance alcoolique " comme case obligatoire à cocher sur leur cv pour être recruté ? En tout cas, Viviane cochait largement celle " tendance marseillaise " vu sa manie à exagérer.

Regard qui s'attarde, invitation qui se déclare - bière largement exposé. Oh. Si elle la prenait par les sentiments. Jette un instant les épaules, avant que les pas ne glissent jusqu'aux côtés de l'enseignante - ne s'inquiète pas vraiment de possibles représailles, se dit qu'elles seraient déjà tombés si il devait y en avoir. A moins que Mizuchi n'attende qu'elle baisse sa garde pour mieux frapper... Ah merde, elle doute un peu, d'un coup. Ça réfléchit trop. Beaucoup trop. Se contente finalement de se saisir du présent ambré - à deux mains. Plus polit dans le silence que lorsque les mots résonnent. Hoche un instant le visage poupin pour tout remerciement, inaudible - puis s'assoit, sans demander par contre.

« J'compte dormir cette nuit, mais j'ai un peu de mal avec mon dortoir.» Mots lancés en une nonchalance redondante - sembleront peut-être décousu, écho au cours précédent. « J'me disais qu'ça irait peut-être mieux dans le votre. Votre hospitalité est légendaire après tout, non ?» Elle aurait p'têtre dut continuer à se taire, finalement. Pue clairement l'insolence à cette instant - n'en dissimule pas l'éclat vaguement amusé au creux des prunelles. Sinon elle se souvenait qu'elle causait à une prof ? Doute légitime.

La fée s'approcha lentement, un peu suspicieuse peut-être. Il n'y avait pourtant aucune raison de l'être. Mizuchi n'avait pas été plus sereine qu'en cet instant, de toute la semaine. Elle appréciait l'effort de Viviane. Lui sourit avec chaleur quand elle saisit la bouteille et s'installa à ses côtés.

Le spectacle du soir explosant à la surface des lacs alentours semblait le parfait écrin de leur rencontre dans les formes. Oui, le cours ne comptait pas vraiment comme une première rencontre. Elle n'avait pas voulu que ça se passe ainsi. Viviane semblait pourtant décidée à provoquer n'importe quelle figure d'autorité croisant son chemin. Drôle de façon de se protéger. Enfin, il semblerait que la jeune femme soit parfaitement capable de se trouver d'autres parades. Et de se défendre toute seule comme une grande contre l'adversité de ce monde.

Un sourire en coin se dessina sur le visage de Mizuchi aux premiers mots lâchés. Elle ne perdait pas de temps. Ne pouvait-elle pas profiter de sa bière un instant, en silence ? L'allusion était flagrante, et eut au moins le mérite d'amuser l'instructrice. Honnêtement, elle aurait été déçue si sa recrue n'avait pas attaqué la première. Mais enfin, cinq petites minutes de paix ...

"C'est important, du sommeil de qualité." fit-elle avec douceur. Elle ne regardait pas Viviane, mais la sentait à ses côtés. Tous ses mots avaient une cible. Avec désinvolture, elle alluma une cigarette et tira une généreuse bouffée de fumée, qui alla se disperser dans les courants d'air.

C'était surprenant, comme tout pouvait sembler simple par moment. Si simple, lorsque la conscience demeurait suffisante pour se rappeler que dehors, la guerre meurtrissait de sa complexité difficulté. Si simple, alors qu'elles - tous ceux sur l'île même, étaient également pions de la guerre. Mais un soldat efficace était un soldat reposé, n'est-ce pas ? Alors autant profiter - simplement.

Silence persistant, quelques instants - trop peu. Assassinée des mots houleux que la fée offre à Dame dragon - semblant davantage s'en amuser que s'en offusquer. Si la britannique était incapable d'apprécier la tranquillité plus de quelques secondes ? Totalement. À croire que l'art de tout envenimer lui collait à la peau - ou qu'elle ne savait pas vivre sans conflit. Ou les deux.

Réponse à l'insolence qui ne se teinte pourtant que d'une douceur déroutante - ainsi que d'une subtilité désarçonnante. Pour Viviane qui semble presque démunit en tout cas - regard se reportant sur les traits de l'interlocutrice, cligne plusieurs fois. Ouais, non, si il y avait un sous-entendu au sommeil de qualité, elle semblait pas capable de le comprendre. « Si vous l'dites.» Ko technique de l'insolence apparemment - seulement dubitative et l'air pas très finit.