Les échanges patronesques coûtent en énergie mais il peut faire guère mieux. Il faut préparer leur arrivée, aussi héroïque et catastrophique soit-elle. Ça le rassure, de voir l'autruche après son simple et seul mot. Cela veut dire que c'est Uruz qui les attend. Cela veut dire que les soins auront une certaine qualité, une qualité dont ils ont indéniablement besoin.

Pour mieux repartir.

Il faut bien quelque chose pour oublier la douleur qui envahit son corps. S'il ne se concentre que sur elle, il risque de l'amplifier. De défaillir. Et puis, on disait toujours que l'optimisme, les pensées positives, ça permettait de guérir. Peut-être pas spécialement les brûlures de dragon coriace mais ça se testait, comme les remèdes de grand-mère.

L'infirmerie en vue, il se pose plus ou moins en douceur. Une douceur fatiguée, rompue. Une douceur endolorie, qui rechigne tout de même à laisser le paquet cadeau dans des bras qu'il ne sait pas fiable. Non, Röte, il reste sous ses yeux, d'accord ? Il n'a pas fait tout cela pour rien. En plus, le gars aussi devrait aller à l'infirmerie. Allez savoir ce que les mangemorts lui ont fait subir.

Ou peut-être qu'il peut rester sous les yeux du scandinave, justement. Pendant que Suhail rentre au dortoir, terminer sa journée. Ouais, bon plan en fait.

Le géant repousse à coups de sourire et de signes de main les aides proposés. Ça ira, il tient encore sur ses jambes. C'est trois fois rien, franchement... Il y a pire. Il a le sourire qui se fige en voyant Le Mât. En voyant Raidho. Ils auraient dû faire mieux. C'était le risque mais...

Une poignée ferme qui le guide, l'obligeant à pénétrer un lieu qui pourrait être maudit. C'est vraiment naze, les infirmeries. Ça s'évite comme la peste. Ça sent la mort, limite. Enfin, la chaire brûlée en ce moment mais on ne s'attardera pas sur des détails. Suhail se trouve un coin où il ne généra pas, attendant sagement qu'on l'autorise à déguerpir. Debout. Sans même pouvoir s'appuyer contre un mur, peau cloquée.

Sauf qu'un bout d'un moment, ça devient difficile de pas y penser. Ça lynche, tout de même.

Le sauveur arrive. « Alors ? Comment vont les autres ? » Raidho. Le Mât. Possiblement les autres camarades partis sur d'autres points du front. Des nouvelles, qu'importe. Idéalement bonnes. Mais de quoi l'occuper. « T'es sûr que t'as pas d'autres cas plus urgents ? » Même s'il commence à faire peine à voir. Il reste un homme, après tout. Ça a des limites.

Mais il n'y échappera pas, le sale gamin. « Compte pas sur moi pour me désaper. Oh, attends, je le suis déjà à moitié » tente-t-il dans un rire qui se finit par une grimace. Le geste du bras pour montrer les lambeaux flambés du tissu, c'était pas une bonne idée.