Les brûlures dansent sous les yeux, les mots dans les oreilles.
Ménager son énergie.C'est que le début, y a encore deux missions qui doivent rentrer, d'autres blessés à sauver, et encore du monde pour celle-ci. C'est pas encore le rush. C'est pas encore les pires retours que j'ai eus à traiter, les pires soins, les pires douleurs - la pire fatigue.
Ca m'avait fait du bien d'oublier un moment...Lune terminée, calmée, apaisée, on soupire - ça compte pour les deux secondes - et on s'occupe du suivant. Le suivant, c'est Suhail, qui tient debout on sait pas trop comment mais qui fait bien semblant de pas avoir envie de se rouler par terre en hurlant. Il prend même le temps de demander des nouvelles
"Ca va aller." Qu'est-ce que tu veux dire d'autre.
"Lune et Raidho sont tirés d'affaire, c'est ton tour." Mais c'est que ça fait de l'humour en prime dis donc.
"Ta vertu tu la ranges dans le tiroir de ta dignité et tu me laisses faire mon taf. Et gigote pas, ça va faire encore plus mal." Pas sec, un brin amusé malgré tout, mais ferme. Il a bien le type du gars qui va ronchonner qu'il veut pas qu'on le soigne et encore moins rester couché. Un sort de rien pour dissoudre les lambeaux pris dans la chair, le côté vaguement intact du vêtement me tombe dans les mains, je le bazarde à côté du lit.
"Allez, allonge-toi sur le ventre, que je regarde ça." Je lui montre un lit vide. C'est pas jojo, mais au moins c'est plus localisé que les deux autres. Surtout Raidho. Un miracle qu'il soit encore en vie après tout ce temps sans soins...
"Comment tu te sens, pull foutu à part ça ? Si tu y tiens il est peut-être sauvable, le devant a pas trop pris. Morsures, blessures ?"C'est plus pour la conversation qu'autre chose. J'essaie de voir à quel point il a pris. C'est très moche. Heureusement qu'il peut pas se regarder le dos, il aimerait pas.
"Raconte-moi ce qui s'est passé, tu veux ? Ef ek sé hávan loga, brennrat svá breitt, at ek hánum bjargigak..."Les mots durs coulent et roulent en murmure, et peu à peu la brûlure se résorbe. Le dos cesse de suinter, le bras aussi doucement, la peau se tisse à nouveau à partir de zones moins torturées.
Et ça ralentit.
Et ça s'arrête.
- Dédé de soin des brûlures:
0-10 : Alors il va pas mourir, mais le pauvre gars il va douiller sévère pendant un
bon moment. Cicatroces (oui) à prévoir.
11-35 : Mouef, il est sauvé mais ça va faire mal au moins quelques jours. Cicatrices à prévoir.
36-90 : Il mourt pas et en plus il aura pas trop mal et la cicatrisation s'annonce bien !91-100 : Il mourt pas, il aura pas mal, presque une peau de bébé à la sortie... la vie est belle