Ca va pas changer le monde.

Mais c'est un pas vers toi, un façon d'essayer d'ouvrir une brèche dans le mur. Ton adieu, je n'y crois pas du tout, c'est un au-revoir, presque un rendez-vous. A la base, c'était un pari, quelques mots sur un papier plié sous une pastille violette. Pourquoi toi, il faudrait le demander à @lalune, si prompte à s'emballer mais si fine au fond, avec sa lumière douce. Les poussières d'une étoile c'est ça qui fait briller la voie lactée.

Ton dessin, j'y ai réfléchi. J'en ai fait un, je n'en ai fait deux. J'en ai fait trois. Je n'avais pas de sujet. Ton animal préféré ? Un souvenir qui fait mal, qui fait peur, qui fait réagir ? Un cours ? Je ne sais pas comment t'aborder, tu es une énigme. Ta matière, tes leçons. Les autres se sont braqués. Ou bien ils t'aiment. Moi je ne sais pas. Je n'aime pas ne pas savoir. Je viens en amie. Je ne te connais pas. Il pleuvra toujours sur Londres, ça va rien changer du tout.

J'espère que si.

Dans ma main, roulée mon oeuvre. L'aimes tu ?



Qu'est ce que ça peut bien lui faire, une porte qui s'est refermée.

Et si tu ne l'aimes pas, ta réaction sera peut-être une façon comme une autre d'ouvrir la conversation. Je regarde même pas qui ouvre ta porte. Je suis nerveuse.

"Bonjour. Je peux entrer ?"

L'Amour n'aime pas les murs.

J'entre. Je me sens un peu comme quand j'étais convoquées devant ma cheffe de maison, même innocente, à me creuser la tête pour savoir si je n'aurais pas fait une bêtise sans le savoir mais je n'ai plus quinze ans, j'en ai cinq dans ma tête et s'il faut faire un câlin pour que la dame soit moins froide, j'ai pas peur. Je me retiens quand même, pour le moment, sans écarter réellement l'idée.

"Je voulais vous donner ça." Je lui tends le dessin qu'elle prend sans un mot, avec juste un sourcil levé. Pourquoi, bonne question. Parce que ma pote m'a dit que vous en pinciez ptet pour lui et que c'est un modèle que je gère alors voilà, et puis vous savez, vous étiez sous le violet n'est pas une réponse acceptable. Je hausse les épaules, légère, avec un sourire (pas moqueur pour un sou) sur les lèvre. Pourquoi pas. Et mon sourire se transforme en rire gai et franc. Encore une fois, je ne me moque pas. Je suis contente et amusée c'est tout.

"Il n'en a pas vraiment besoin, il la voit dans la glace tous les matins sa tête vous savez." J'aime bien Vulcain mais s'il y a une chose dont il n'a pas besoin c'est qu'on flatte son égo."J'ai jamais vraiment compris les gens qui voulaient des portraits d'eux. Narcisse much ? Bref, je me suis dit que ça vous ferait ptet plaisir. Je sais qu'on n'est pas partis d'un bon pied. Pas vous et moi en particulier mais en gros vous et...nous en tant qu'étudiants. On n'est pas un groupe facile tout ça, et donc voilà." Je hausse à nouveau les épaules. J'ai parlé français vu qu'elle l'a fait avec son accent british. Ca écorche moins les oreilles que quand c'est moi qui fait l'effort.

"J'connaissais pas votre animal préféré alors j'ai parié sur ce cheval là. Il vous plait ?"

Est-ce que le dessin lui plait? Lancelot n'en montre rien. Son visage garde ses secrets verrouillés bien au delà de la perception des autres.
D'un animal, L'Amoureux est passé à Vulcain cependant. Lancelot penche la tête sur le côté : considère-t-elle, elle-même, Vulcain comme un animal?
Et Lancelot n'oublie pas le poids qu'a pu avoir certains mots, sans doutes les a-t-elle ajouté à son armure d'une manière connue d'elle-seule.

”Dois-je vous pardonner parce que vous n'êtes pas un groupe facile?” La question est rhétorique et la réponse simple : non.
Ils sont ici pour apprendre, peu importe que cela soit des choses difficiles ou des choses inhumaines, ils sont ici pour apprendre. L'enseignement qu'ils reçoivent est une chance sournoise en soi, d'autres n'ont pas eu ou n'auront jamais cette chance.
Lancelot sait ce que cela leur vole : la jeunesse, la vie. Les choses sont ainsi...

”Autre chose?” Elle ne déchire pas le dessin cependant, ses mains sont fines, semblent comme incapable de détruire la moindre chose. Si n'importe qui d'autre entre dans le bureau de Lancelot et voit le dessin, que se passera-t-il?
Y a-t-il quelque chose à cacher ou bien ne s'agit-il que de l'imagination d'une élève?


”En dehors de cela, tes qualités de portraitiste semblent montrer un certain don pour l'observation. Je te souhaite d'en faire usage en tout, cela est utile pour survivre.”

C'est ce que Lancelot souhaite pour eux-tous, survivre. Cela ne se fera pas sans tourment, cela ne se fera pas sans cicatrices. Certains n'y arriveront pas, aussi injuste cela soit-il. Certains n'y arriveront pas...

Quand de peine en méfiance, de larmes en plus jamais, Puis de dépit en défiance, On apprend à se résigner.

Est-ce qu'il t'a dit que tu étais belle pour être autant sur la défensive ? Sais-tu que ce mur que tu me montres ne fait que me donner encore plus envie d'aller voir derrière ? Je suis une fille de la campagne, de ces enfants de paysans qui ne rêvent que d'aller voir derrière la prochaine colline. Je hais les murs, les barrières, les enclos. Et je suis française, de cette seule nation qui n'a jamais déposé les armes contre le Mage Noir. Tu ne me feras pas fuir avec ta glace. J'ai en moi assez de chaleur pour tuer tous les bébés phoques de BB.

Viennent les heures sombres, Où tout peut enfin s'allumer, Quand les vies ne sont plus qu'ombres, Restent nos rêves à inventer.

Je te souris, chaleureuse, amusée, contente car si tu ne me réponds pas, si tu me renvoie des questions, tu me parles et ça reste une accroche. Les cours de com' c'est beaucoup de bullshit et un peu de vrai. Là, on est pile dedans.

"Ah mais vous m'avez mal comprise, je ne m'excusais pas, je ne faisais que pointer une vérité."

Éviter les regards, Prendre cet air absent, Celui qu'ont les gens sur les boulevards, Cet air qui les rend transparents

C'est parce que nous ne sommes pas faciles que nous sommes ici. IL aurait été plus simple d'avoir la lâcheté des fainéants, de nous fondre dans un monde que nous avons toujours connu, d'embrasser une idéologie qu'on nous serine, tu sais. Plus facile pour nous que pour vous. Nous n'avons rien connu d'autres. Alors pour être toujours fiers et droits, indépendants, on a du se forger un caractère, une résistance à l'autorité. A l'Adulte qui Sait. C'est comme ça. Je serais une transfuge si je m'excusais pour les autres autant que pour moi. Tu ne me respecterais pas si c'était le cas.



Y a-t-il un soir, un moment Où l'on se dit "c'est plus pour moi" Tous les mots doux, les coups de sang Mais dans mes rêves, j'y ai droit.

"C'est gentil. Observer c'est important en effet, pour imiter un langage corporel, pour en feindre un autre. Pour supporter certaines choses. Mais si on ne fait que ça, finalement, au fond, que fais-t-on ? Je pense qu'il faut oser faire et avoir mal si l'on veut à terme réussir à aller quelque part. Vous ne pensez pas ?"

Plus de trahison, de peine, Mon scénario n'en veut pas. Il me dit que je suis reine... et je n'y crois pas.

Ils ont l'insolence au corps, ces élèves, alors bien sûr que non la Française ne s'excuse pas. Pour demander un pardon quelconque, il faut comprendre ce qui a été mal, ce qui a blessé, la couleur d'un chagrin et le murmure d'une déception. Les seuls bruits connus des recrues, ce sont ceux de la Fureur.
Ils sont puérils, masques en papiers mâchés et coeurs vides. Ils ne voient pas le danger, ou bien se croient immortels, ce qui est pire. Lancelot enseigne une matière difficile, impossible à maîtriser si l'on ne comprend pas les concepts d'ordre et de chaos. Deux serpents qui s'enroulent, s'entrelacent, se mordent la queue, un Ouroboros titanesque sans bien ni mal. Le Bien et le Mal, cela vient toujours après.

Y a-t-il de réelles leçons à recevoir sur le courage pourtant? Non. Le courage va et vient selon les instants, peu importe le coeur, peu importe l'esprit. Une personne parmi les plus viles au monde peut-être capable le temps d'une seconde d'un courage tellement pure que certaines choses en sont changées, de même quelqu'un de bon capable de choisir le camps des opprimés se retrouve finalement à trahir car ainsi est l'envie de pouvoir.

”Je ne sais pas ce que tu connais de la douleur, jeune fille, mais il est dangereux de l'envisager comme une entité unique qui n'es qu'une simple marche sur notre chemin que l'on doit apprendre à franchir.”

Certaines souffrances sont plus que cela, certaines souffrances ne se dépassent pas. Parfois on les contourne, cela est vrai, elles sont toujours en nous cependant, restent.

”Un écrivain moldu de mon pays a imaginé dans les années 80 un enfer avec des monstres dedans ne vivant que par et pour la souffrance. Toute seconde vécue, quand bien même ils ont perdu leur humanité, se doit d'être une douleur puisque celle-ci est l'extase leur permettant d'avancer. Il arrive que des hommes et des femmes, avec le bon artefact, puissent invoquer ces monstres dans l'espoir que cela leur apporte une jouissance incomparable pour l'éternité. Ces monstres le font, seulement de cette jouissance, la douleur est la clé. Alors ces hommes et ces femmes impudents souffrent, pour l'éternité.”

Lancelot s'est remise à l'anglais pour parler de ce compatriote. Pourquoi ce conte? Parce que. Elle-même ne voit ni plaisir, ni épreuve, ni finalité quelconque à la douleur. Parfois (tout le temps), elle a mal et cela est insupportable. Ils souffrent ceux aussi, ceux qui jugent de sa douleur, seulement ils se le permettent alors qu'ils souffrent autrement.

Elle ne protège pas ses plaies et ses blessures, elle existe. Parfois, Lancelot existe mais pas ses sourires.

Spoiler:

Ce que je connais de la douleur ? Qu'on ne la connait pas. Qu'elle est individuelle et indivisible, qu'on la ressent et qu'elle disparait, que le souvenir de la douleur n'est pas la douleur et que la même douleur est différente pour chacun et même en chacun en fonction de quand elle arrive, bref, elle est tellement impalpable qu'on pourrait dire qu'elle n'existe pas vraiment. Je sais aussi que c'est un signal électrique dans des nerfs. Mais je n'ai jamais eu mal, moi. Enfin pas vraiment mal. pas comme j'ai vu des gens avoir mal.

"C'est intéressant. Et très ancré dans la culture judéo-chrétienne qui veut que le plaisir soit forcément culpabilisant et donc douloureux. Mais c'est vrai que parfois la chaleur de la douleur et celle du plaisir se chevauchent." Je souris tranquillement, il faudra que je lise cet auteur, il m'a l'air intéressant. Par contre je parle français. Je comprends l'anglais très bien mais on m'a dit que mon parlé était une torture pour les natifs. Ce serait pas top de torturer la prof de torture alors que je cherche juste à faire un pont entre elle et moi.

"C'est marrant, les années 80 ont fait l'objet de beaucoup de romans d'anticipation sur différents enfers. Nos aînés avaient une vision de l'avenir qui n'était pas si fautive finalement."

J'ai jamais connu la paix. La souffrance des gens autour de moi - à défaut de la mienne, j'ai de la chance - c'est une normalité, un quotidien, je crois que je ne suis pas capable d'imaginer un monde de gens heureux. Je me bats pourtant pour ce monde que je n'imagine pas. Je dois être un peu maso. Je hausse les épaules, encore. Moi ma vie c'est un manège, mes amours passent, montent et reviennent. Comme une chanson c'est le temps qui l'entraîne...

"J'ai lu je sais pas où que pour la torture, plus que la douleur qui peut faire s'évanouir es gens c'est la peur de la mutilation qui fonctionne ? "