Les yeux qui demandent qu'à se fermer, paupières qui luttent s'agitent en traversant quelques couloirs. Fatigue intense sur les traits d'ordinaire déjà cadavres, qu'il laisse enfin apparaître, les joues presque douloureuses d'avoir souri des heures sans s'arrêter. C'est pire dans la tête, dans la gorge, la poitrine.

Salle des profs, café, whisky, cachets, whisky. Dans cet ordre là, les mains tremblantes qui manquent de tout faire tomber, briser la tasse et salir le philtre. Cigarette, enfin, allumée au vieux briquet bic, la première de la nuit. Ou du matin. L'aube pointe, la tête éclate.

Porte, pas, silhouette féminine. Oeillade-tulipe, iris cerclées de rouge sur la naïade. « Ah. » Il lâche juste, charmant et pertinent comme à son habitude. « T'veux un café ? » Elle le sait, maintenant, que ça vaut toutes les déclarations - et qu'il a la main lourde sur l'irish, pour les plus estimées.

Tôt, bien tôt, et la naïade sortait de l'eau. Rituel rarement manqué, il la rendait un peu trop simple à trouver à certains horaires, mais elle ne pouvait en avoir moins à carrer. Une serviette sur les épaules, un petit frisson fila le long de son échine quand le vent de septembre et l'averse récente claquèrent son dos nu. Café. Café. Cigarette.

Trop loin, le dortoir, sa chambre, elle se pressa jusqu'au bâtiment principal, trottinant du bout de ses pieds palmés. Elle finissait de nouer correctement son kimono de soie bleue quand elle poussa enfin la porte de la sacro-sainte salle des profs. Repère officiel, drôle d'ambiance, toujours un truc intéressant qui s'y passait. Et ce matin ne manquait pas à l'appel.

Ortiz se redressait juste de son intérêt quand elle passa le seuil. Elle ne s'attendait pas à voir quelqu'un ici si tôt - était néanmoins ravie. Elle avait froid - il lui offrait du café. L'homme était décidément parfait. Ou c'était elle qui en faisait trop ?

« Camarade ! » fit-elle doucement, du sourire dans la voix. Elle s'approcha de lui, toujours un peu grelottante, et saisit la tasse avec reconnaissance. Une première gorgée avant toute chose. Caféine lui emplit le nez et la gorge, réchauffa ses doigts nus. Soupirant d'aise, elle s'assit près du russe et reporta enfin son regard sur lui. Fronça les sourcils. C'était elle, ou il avait l'air encore plus ravagé que d'habitude ?