Traduction en français qui veut dire quelque chose:

Pour Mizuchi, le mercredi, c’est compliqué. C’est un peu comme un troisième lundi de suite. Du coup, pour s’offrir un début de journée un peu moins nul et loin des yeux curieux, elle file très tôt hors de son pieu. Réellement tôt, de ces heures telles qu’elles précèdent le lever du soleil. Elle ne boit rien qu’un thé, fort, très infusé. Et en vitesse, entourée d’ombres, elle quitte le confort du dortoir pour rejoindre son idylle personnelle : les flots sombres qui entourent leur résidence. Des profondeurs froides, noires, boueuses, sûrement peuplées de bestioles pleines de dents. Qu’importe ! Mizuchi s’y sent bien.

Elle s’offre donc une heure de trempette et d’exercice pour profiter de son dernier réel moment de silence du jour, et puis du soleil en lent éveil. Elle plonge, coule, surveille d’un œil le bord pour n’offrir à personne, si tôt, le privilège de cette scène unique. Elle prend soin de ne point sprinter, elle se contient. Elle veut éviter le plus possible les rumeurs. Même si elle n’y peut trop rien, honnêtement.

Le petit workout précoce terminé, elle émerge, superbe, et se couvre de suite. Moins de pudeur que de simple convention culturelle. Enfin, personne ne doit être encore debout, et surtout, hors de son dortoir. C’est ce qu’elle se dit, ingénue. Elle progresse doucement vers le centre, se poste sur le toit d’un dortoir, et commence lentement son rituel de concentrement spirituel. Méditer est un élément essentiel de son équilibre, et elle s’y dérobe le moins possible. Ce jour-ci n’est point différent, elle respire profondément, s’oublie.

Quelques minutes s’écoulent. Un son régulier, proche, l’empêche de s’immerger entièrement. Un seul coup d’œil lui permet d’identifier son gêneur : un élève s’exerce, comme elle, et s’inflige des séries de renforcement, suspendu, frotté contre l’écorce iconique en plein centre de leur petit monde. Mizuchi soupire, se lève. Visiblement, elle ne peut trouver le silence, ou le repos de l’esprit. Elle quitte son toit, descend lestement vers le sus-mentionné gêneur. Ses cheveux sont secs et liés, ses vêtements sont trempés, elle offre une drôle de vision.

« Quelle dévotion ! » fit-elle en un sourire. « Tu dois extérioriser quelque chose ? »

Note au staffou:

Ça va sans dire, il ne dort pas. Ortiz n'aime que les sommeils magiques, les nuits épaisses et sans rêves plutôt que les songes vaporeux. Ils crient trop fort et l'île est déjà bruyante la journée. Il erre plutôt, guette l'helios qui s'éveille d'un œil suspicieux. Les pas mènent vers le grand arbre, évidemment, il aurait bien aimé grimper à la cime mais le dos, les genoux tirent fort ce matin alors il s'assied juste dans les gradins. Surveille. On lui donnerait l'air grand sage, ombre silence dans les hauteurs de pierre s'il n'y avait la tignasse emmêlée, les verres teintés devant les yeux fatigués, la mine cireuse.

Gamin s'échine, brave, sous les branches et plus vieux (si peu) toise un moment. Le menton dans une main il somnole, l'avise sous les paupières marbrées. S'endort sans doute car un battement de cils et scandinave a les deux pieds sur terre. Sans retenir les pseudonymes il a associé la plupart des visages, sinon à des idées à un monde d'origine. Il y a des minois qui résonnent dans la mémoire. Surtout ceux-là. Noueux se redresse vif, les mains s'enfoncent dans les poches de la vénérable veste de treillis qui ne le quitte pas et dévale les gradins comme une autre silhouette joint la fête. " Eh ben, c'est tout ? " Rictus s'étire mauvais (il y a des forces qu'il ne peut combattre) et on se moque d'avoir un peu coupé les mots à la collègue, du moins interrompu l'échange ébauché. Il hoche la tête et c'est là tous ses renforts de politesse.

Oh la recrue se défend (il a pu s'endormir pendant la routine c'est dire) mais inspire la mauvaise foi, elle prend possession des nerfs jusqu'au bout de la langue sans qu'il puisse s'en défendre. " Soif ? " Il demande quand même car l'autre halète bête de somme. Et les doigts de glisser dans la veste sus-mentionée, sortir une flasque polie sans plus de cérémonie. Pas d'heure pour le whisky dit-on, ça doit déjà se murmurer sur leur délégation, rumeur se nourrit des clichés alors pourquoi chercher à la tarir. Il paraît, aussi, qu'il doit prendre soin des plus jeunes alors il va jusqu'à dévisser le bouchon et tendre l'objet. Mais même maquillée la bonne volonté qu'il tente d'afficher ne tient qu'un instant, et vis à vis amorcerait à peine un geste pour la prendre qu'Ortiz la retirerait hors d'atteinte.

Spoiler:

Mizuchi observait d’un œil critique le fuselage du corps d’Uruz, dont le nom lui revenait à peine. Quatre-vingt dossiers, faut dire, c’est pas rien. Elle avait beau avoir une sacrée mémoire, l’espionne, elle n’en restait pas humaine. A peu près. Son regard, s’il était sujet à interprétation, ne pouvait pas vraiment être pris pour de la reluque dans les formes. Pas le genre. Et puis, elle ne s’attarda pas trop longtemps. Même pas sûr qu’il l’ait remarqué, son regard déjà attiré par quelque chose derrière elle. Ailleurs, elle songea que des muscles saillants, c’était bien beau, mais qu’il fallait encore qu’ils soient à la bonne place, et qu’ils servent les bonnes causes. La masse pour la masse, c’était bon pour les concours. Restait l’efficacité.

Quand elle daigna enfin tourner les yeux vers le nouvel arrivant, qu’elle avait identifié à la voix – et à l’odeur, il fallait le dire – elle lui adressa un sourire en coin en guise de salut. Après tout, il ne lui avait pas offert bien mieux, avec son sobre hochement de tête. Si Mizuchi n’était pas si complètement désinvolte, elle aurait pu le prendre pour du mépris. Mais les deux lascars le prouvaient en cet instant, et elle commençait à cerner son environnement. Si le monde s’effondrait à l’extérieur, la guerre qui avait lieu ici était celle des égos. Cela lui allait parfaitement.

Ortiz tendit sa flasque au sportif, et la Coréenne observa d’abord ce mouvement, son reflux, puis la déception sur la mine d’Uruz. Une déception qui la fit tiquer, car un peu trop marquée pour une bête goutte d’alcool. Elle sentait entre les deux hommes une tension singulière, et n’avait aucune idée de son origine. Elle hésita à les laisser, s’ils avaient des comptes à régler, mais la recrue Nordique reporta son regard sur elle et répondit enfin à sa première remarque. Tiens, elle l’avait presque oubliée.

« Le combat c'est pas que de la magie », grogna-t-il en ouvrant sa propre gourde, qu’elle soupçonnait aromatisée à la vodka.



« Si le corps suit pas, on peut être le meilleur mage du monde... »

… et clamser tout seul au milieu de la route d’une crise de foie, bien vu Sherlock. Mizuchi ne savait pas trop d’où lui venait cette soudaine acidité. Elle blâmait l’ambiance, qui aurait pu globalement être plus folichonne, mais après tout elle gardait ces pensées pour elle. Même si elle brûlait d’envie de les titiller, les deux Scandinaves. A la place, elle alluma une cigarette et en offrit une aux deux hommes, comme pour signifier son désabusement.

Elle reposa son regard sur le plus jeune, ses lèvres toujours étirées en un petit sourire désormais moqueur depuis leurs remarques respectives et la feinte de l’infirmier – deux gamins, soyons sérieux. Même si Ortiz était son aîné de peu, elle n’arrivait pas à l’imaginer autrement qu’en vieil enfant, pas plus âgé que ses recrues. Il avait l’air inexplicablement fragile, derrière sa mine de voyou cynique.

Tirant sa baguette, elle la pointa sur ses propres vêtements, et lança un banal « Tergeo » informulé pour se sécher. Elle venait de remarquer la flaque qui se formait peu à peu sous ses pieds, ignorant la fraîcheur matinale. Puis elle pencha la tête en glissant son instrument dans son chignon, et posa ses mains sur ses hanches.

« Je me demande combien j’arriverais à en faire. Ça ne doit pas être si compliqué que ça. »

Elle finit tranquillement sa clope, la jeta dans une petite boîte de fer, et considéra la branche de l'arbre au-dessus de sa tête. Elle lui semblait un peu trop épaisse pour ses petites mains de précision. Faire des tractions, ça remontait à loin, et le souvenir n'était pas spécialement jouasse. Mais elle était curieuse, et n'avait rien à prouver, alors pourquoi pas. D'un bond, elle s'agrippa solidement, mais sentait déjà venir la fatalité. Rosée du matin sur branche trop large, additionnée à son intense séance de natation, elle n'irait pas bien loin.

Enfin, la Coréenne réussit tout de même à s'offrir six belles tractions, propres et dynamiques, puis préféra lâcher l'affaire avant de glisser bêtement au milieu de la septième. Elle atterrit souplement sur ses jambes et haussa les épaules, un peu déçue mais pas vraiment surprise.

« Faut croire qu’il vaut mieux me provoquer au bras de fer qu’en duel. »

allez qu'on rigole:

Le rire brûle un peu les lèvres, rocailles qui tonnent doucement dans la gorge à la réponse, la moue surtout du scandinave. C’est léger, on l’entend à peine, c’est si loin de la joie que ça devrait révéler.

Plus vieux (si peu) écoute les mantras de l’élève, mord la langue avec un rictus pour ne rien répliquer. D'un geste de la main il refuse la cigarette qu'offre la collègue, contraire à ses habitudes. Il a l’agressivité tatouée sur la peau fiévreuse ce matin, souffle fort pour la contrôler. On lui a dit de se montrer charmant - il donne de son mieux.

Voilà néréïde qui s’y met, elle avance guerrière à son tour vers l’arbre ou l’instrument des fiertés. Elle se lance le défi d’un ton léger pourtant l’adulte soi-disant penche la tête de côté, peine à saisir pourquoi elle veut challenger l’enfant. Derrière les lunettes de soleil l’oeillade-tulipe guette tous ses mouvements. Une teinte déception, une autre appréciation. « Va falloir lancer un atelier renforcement, si vous voulez que vos corps suivent. » Le ton s’efforce de ne montrer qu’un brin de moquerie, effacer les aboiements précédents.

Heureusement qu’Ortiz, lui, avait pris la cigarette qu’elle lui avait tendu. Dans le cas contraire, elle aurait sûrement estimé être définitivement de trop dans cette tension latente. Elle n’osa pas faire remarquer qu’il ne devrait peut-être pas fumer, en fait, juste après l’effort. Ses poumons encore ouverts allaient considérablement en pâtir. Elle avait proposé par politesse, mais elle imaginait qu’en tant que médic, il savait ce qu’il faisait.

Uruz la complimenta sur son effort, ce qui lui tira une moue difficile à interpréter. Peut-être par modestie, oui. En réalité, elle n’était pas spécialement fière d’elle, absolument certaine qu’en de meilleures conditions, elle aurait fait mieux. Mais elle haussa les épaules et accepta la remarque. Une autre suivit, sur l’absence de cours de renforcement à l’Esperanto. Même si le blond avait demandé cela sur le ton de la rigolade, la coréenne se demanda si en effet, quelque chose du genre était prévu par le programme. Elle en doutait.

« S’il n’y a que ça pour te faire plaisir, je pourrais faire en sorte que ça arrive. Une journée entière à vous faire courir dans tous les sens, porter des cailloux, nager avec les strangulots … »

Rien que de le dire, ça lui donnait envie de le proposer à l’équipe. Presque par défi, en fait. Elle aurait beaucoup aimé voir certaines grosses têtes du camp se traîner dans la vase des lacs et supplier pour qu’on leur laisse une pause. Même le Nordique, qui exhibait avec une telle arrogance les fruits vertueux de ses entraînements matinaux.