Lundi, temps de midi.
Tête creuse se remplit petit à petit, nez plongé dans des livres. Y'a trop d'informations. Beaucoup trop. Et ce TRUC qui l'intrigue autant qu'il ne le rend curieux. Faut chercher. Pas s'arrêter. C'est la première chose qui a capté son attention. Souvenirs d'histoires d'enfants au coin du feu, mère qui lit et qui raconte des légendes mythologiques.
Lenine cherche quelque chose sans vraiment le trouver. Lire, ça le gave fort. Très fort. C'est pas un cérébral, c'est un gars de terrain. L’initiative lui coûte son énergie. Mal dormi, ça aide pas. Faut dire que les draps de sont lit grattent, doit y avoir des mythes, ou pire, des insectes magiques.

Il tourne les pages. Reluque les dessins, lis en diagonale et de travers. Il ferait bien d'aller faire une sieste. Se sent nerveux en plus. Y'a trop de gens. Et puis, y'a cette crétine d'américaine qui a prit la chaise à côté de lui, souriant bêtement. Lui, il sourit pas, lui accorde pas d'attention. Stéréotypes américains bien encrés, qu'ils s'étouffent avec leurs chewing-gums ceux-là. Elle lui cause. Lui demande s'il a pas un bout de parchemin avec lui : "Non." Réponse claire, dénuée de toute chaleur. Elle insiste. Demande une plume, de quoi écrire. Il a la gueule de travailler pour les Petits Riens ou quoi ?  "Non." Il répond quand même, parce que la politesse, c'est important. Il est bien élevé le petit russe. Rousse qui continue. Tu lis quoi ? Dis, t'as été au cours de machin truc ? C'est quoi ton classement ? Putain de merde. Trop de questions. Il aime pas ça. C'trop oppressant. "Je lis comment assommer une amerloque rousse en deux secondes. " Ton neutre, mais tout aussi efficace que s'il s'était levé en gueulant, main prête à lui en coller une. Tandis qu'elle le regarde avec des yeux de merlan frit, il se décide à bouger. Il attrape le gros volume qu'il était tranquillement en train de lire avant de se faire emmerder par une connasse qui a fait plus de bruit que le débarquement de Normandie et inscrit son emprunt dans le registre. Même des décennies plus tard, les amerloques ont pas changé : font toujours autant de bruit pour rien, et n'ont aucune modestie.

Les gens devraient vraiment apprendre à fermer leur gueule et a parler quand cela est nécessaire qu'il se dit en quittant la bibliothèque pour s'installer quelques mètres plus loin, contre un mur, assis sagement. Pour le coup, il sort un parchemin de son sac, et commence à griffonner des notes au vol. Faut qu'il trouve la raison de ce trucici.

Les doigts enfermés dans un gant blanc s'agitent, tiennent en main un stylo bille volé aux moldus : ça tâche pas, c’est pratique quand on porte du tissu en coton sur ses paluches. Il griffonne sur son parchemin, comprend pas pourquoi les sorciers n'utilisent pas des feuilles comme les non mages, c'est bien moins chiant à fabriquer. Quelle perte de temps. Bref, pas son problème d't'façons. Lui, il est concentré sur autre chose. Il ne comprend pas, d'ailleurs, comment d'autres ne se sont pas posés la question sur la présence de ce truc. C'est quand même fou ça. Si Lenine avant d'arriver sur L'esperanto avait foi en ce projet, une fois sur place, il a vite déchanté quand il a vu les branquignoles qui sont là pour se former avec lui. Ils ont du se tromper, devait être affecté ailleurs, c'est pas possible autrement. C'est pas une question d'égo, c'est que Lenine ne pige pas comment certains des camarades (erk) vont se débrouiller une fois sur le terrain. Ont-il déjà seulement vu la mort et la guerre de près ? Lenine leur laisse le bénéfice du doute, peut-être qu'il sera agréablement surpris, et il le souhaite, mais pour l'instant, il n'est pas du tout convaincu.
Bref. Au vu de la situation, il cherche à faire fonctionner sa caboche et a comprendre comment chacun a été recruté, et pourquoi ils sont tous rassemblés ici. Parce que franchement, c'est un peu con de rassembler "l'élite" sorcière dans un seul et même endroit, non ?

ll tourne la tête quand une masse vient s'échouer à côté de lui. Bordel, tout le monde à décidé de l'emmerder aujourd'hui ou comment ça se passe ? Une jolie paire de yeux bleus auxquels Lenine se montre totalement insensible s'immisce dans sa bulle, trop proche. Il recule, glisse ses fesses sur le côté, laisse une distance de sécurité. L'aime pas le contact le mec. "Non." Froid, il la regarde même pas. Faut dire que les gens curieux, il aime pas trop ça. Sauf s'il s'agit d'une personne plus haut gradé, là, ça se justifie. Cette meuf, il sait pas qui elle est, il n'a jamais fait attention. Les gens discrets ne se remarquent pas, et .... Elle est en train de lire par dessus-son épaule ?! Lentement, Lenine tourne la tête vers elle, mâchoire serrée comme à son habitude. Elle ne semble pas perturbée par le regard qu'il lui lance vu qu'elle ose se permettre un commentaire.

Elle se sent désolée un peu - fatigue qui rend compte de rien, qui lui fait oublier de tenir la distance. Pour montrer sa bonne foi, elle l'imite et s'éloigne un peu de lui - cherchant quand même à lire de loin, par dessus l'épaule - et là encore elle fait pas attention mais se rapproche pour tenter d'y voir quelque chose. « Non. » Intransigeant, toujours - le côté militaire qui rappelle la directrice des Koldov'. Elle le reconnait comme l'un des leurs.

Ne peut s'empêcher de chuchoter - croisant au passage les astres noirs. Pas de quoi la perturber - tout comme le ton dur. Les siens sont noyés dans un brouillard semi-endormis. Et la lune est intouchable, imperméable aux émotions qui lui sont étrangères - colère première d'entre elles. Distante du monde, elle a du mal à comprendre ce qui lui vaut une mâchoire si serrée - qui, elle n'en doute pas, serait plus attrayante changée en sourire blanc.

Qu'importe, les pensées sont brouillées - l'énergie absente aussi. Il ne pourra pas se battre avec elle - il pourrait bien lui mettre son poing dans la figure ceci dit qu'elle n'aurait pas l'idée de s'écarter de sa trajectoire. Tout de même, elle se remet à sa place - bien quarante centimètres qui les séparent. Elle espère que c'est suffisant parce que plus loin il faudrait crier pour se faire entendre - et la lune préfère les confessions murmurées.

L'attention qui se retourne vers le bouquin fermé. « Un sort. Ça doit pouvoir t'aider pour ton... énigme ? » Qui a l'air compliquée - de ce qu'elle a vu. C'est à dire pas grand chose. Elle sort la baguette du coup, hésite un peu - l'est fatiguée, épuisée même. « J'suis pas certaine que ça soit une bonne idée pour moi de le lancer. » La main tremble un peu - du manque de sommeil. Elle repose le bras.

« C'est un sortilège qui permet de regrouper les informations d'un livre et les simplifier au passage. » Elle ne dit pas qu'elle l'a peut-être bien inventé à une époque où écouter en cours devenait de plus en plus compliqué - trop rêveuse la gosse. « Aurum collectio - c'est la formule. Et pour le mouvement - » Elle mime des petits cercles tremblotant et imprécis, tentant de se concentrer tout en remontant la main. « Comme ça mais plus léger, moins brouillon - si jamais tu veux le tenter. »

Oui, il ne voulait pas de son aide - mais ils sont camarades dans la guerre alors c'est le moment où jamais pour apprendre à accepter les mains tendues. Et elle la première fait son effort - d'ordinaire si solitaire.

Les gens sont curieux autant qu'ils sont oppressants par ici. C'est dingue ça. Lenine se dit que ça doit se voir à sa gueule qu'il vaut mieux pas venir l'emmerder, non ? Avec son air d'adolescent juvénile porteur de blouson noir qui fume des clopes devant le lycée, il se dit que certains n'ont pas peur du danger. La française doit sentir que Lenine ne ferait pas de mal volontairement à quelqu'un, ce gars-là obéit aux ordres, ne s’octroie aucune initiative. Puis, il a assez de maturité pour se dire que la gamine ne fait rien de mal, pour l'instant, à part prendre trop de place. Il note cependant, qu'elle recule, consciente malgré la fatigue évidente que ses traits renvoient, qu'elle est en train de lui bouffer sa bulle personnelle. Et s'il apprécie le geste, Lenine ne montre rien.



Elle continue à jouer les curieuses, l'informe d'un sort qui pourrait lui être utile. Bordel, maligne la française. Lenine est pas doué pour inventer des sorts, c'est pas du tout dans ses compétences. Ignore que la gamine est la créatrice du sortilège, elle aurait un peu plus de valeur à ses yeux s'il savait. Il observe avec assiduité les cercles qu'elle forme du bout de ses bras. C'est possible d'être fatiguée à ce point-là ? Il ouvre son sac, en tire une barre de chocolat qu'il lui tend : sa manière à lui de dire merci. "Tiens, mange." Le sucre est l'ami de ceux qui perdent de leur vitalité, le chocolat rend le corps léger et provoque une sensation de bien-être. La drogue de Lenine. Il sort son bout de noisetier et agite sa baguette, imite les cercles et prononce la formule sur le livre : "Aurum collectio ! "

Rien ne se produit. Il range sa baguette, il est bon pour lire le livre à tête reposée. Son désapprobateur s'échappe de ses lèvres, et il tend le livre à La Lune. Faut essayer avant de s'avouer vaincue.

1 - 10 : échec, Le livre prend feu. Oupsie.
11 - 50 : échec, sort ne fonctionne tout simplement pas.
51 - 90 : réussite, Les informations se regroupent, Lenine est satisfait.
91 - 100 : réussite critique, Les informations se regroupent et dans sa bonté, il partage ses découvertes avec Lune.

Ils semblent être sur la même longueur d'ondes et ça rassure Lenine de savoir qu'il y a quelqu'un d'aussi lucide, ou presque, que lui sur cette foutue île. Niveau energique et dynamisme, on repassera, mais il y a moyen que Lune et lui puissent se comprendre bien plus que ce que les apparences veulent bien montrer. Lenine est frustré de ne pas arriver à lancer de sort, mais la remercie d'un geste amical - une barre de chocolat - pour ses précieux conseils. Peut-être même qu'elle y arrivera mainteanant qu'elle a un peu plus d'énergie. Elle tente de trouver une justification à l'échec de Lenine, mais il secoue la tête : il est nul en sortilèges. Ça changera pas. Et puis, il est loin d'avoir la grâce et le doigté des français. Elle se lance. En effet, niveau délicatesse et raffinement, y'a pas photo. Si le geste du russe était brute, celui de La Lune est bien plus aérien, même son ton n'a rien à envier au soldat.

Elle ouvre le bouquin, et jackpot, elle a réussi ! Si Lenine était capable de sourire, il lui aurait envoyé un sourire radieux, au lieu de ça, il se penche vers le bouquin. Les mots s'imprègnent, résumés s'étendent sur une dizaine de pages au lieu d'une centaine. Il lit les premiers mots. Ca lui parle, souvenirs reviennent en mémoire.

C’est un garçon plutôt sympa – si on passe outre son côté ronchon et solitaire, plein d’esprit et bien plus lucide que les autres – non, ce n’est définitivement pas un camps de vacances. Alors l’aider ça coule de source – autant s’en faire un allié. Jusqu’à lancer le sort d’elle-même – et être soulagée qu’il n’y ait pas eu de catastrophe – oui parce qu’elle ne brille pas par ses prouesses en sortilège ces derniers jours. A même plutôt tendance à les ratés.

Puis le bouquin est donc orienté vers son propriétaire – et elle finit par se permettre de lire un peu aussi – afin de tirer globalement l’idée. Il reste stoïque de son côté, mais elle peut presque sentir la satisfaction de n’avoir plus qu’une dizaine de page à lire. Et comme il est concentré, il lui semble que la conversation est terminée – alors elle se permet de fermer un peu les yeux, part explorer ses propres profondeurs.

« Alors ? » Qu’elle demande finalement, concernant le livre et ses trésors. Parce qu’au final elle reste curieuse – et que peut-être il regorge d’autres mystères bien plus sains que ceux qui parcourent l’île. Qu’ils pourraient apprendre sortilèges, potions ou autres informations qui leur seront utiles à la survie – et c’est typiquement le genre de chose qui l’intéresse.

Le livre va lui rafraîchir la mémoire, c'est certain. Maintenant que le sort vient de résumer une bonne partie du bouquin, Lenine le referme soigneusement. Il aime pas lire, et il lui semble qu'il a fourni assez d'efforts. Il a eu raison de se poser des questions sur ça, le peu qu'il vient de lire confirme ses craintes. C'est amusant comme certains souvenirs plaisants peuvent être occultés par la guerre. Amusant. Triste, sans doute. Les images de sa mère sont floues, lointaine et s'il ne se souvient pas des mots, la lecture ravivera sa mémoire.