Le membre 'Vulcain' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

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'Action' : 28

Lancelot sent l'air lui peser sur les épaules comme un poison. Les mots vont lui manquer bientôt, la femme en a la certitude. Cela fait ça, de poser la question de trop et il y a des choses que même elle ne peut entendre.
Elle reprend sa baguette lorsque Vulcain la lui tend. Le contact du bois contre sa paume est froid, quelque chose du lac semble comme s'être accroché à l'objet magique.
Elle a envie de pleurer pour lui, elle a envie de pleurer pour elle aussi soudain avec tout ce que l'homme dévoile. Cela est trop tout autant que cela est nécessaire...


”Triste monde, il n'y a personne pour avoir pitié de nous...”

La dignité revient sur ses traits, chassent les yeux rouges mais pas les larmes. Le regard de Lancelot ne quitte pas Vulcain, il n'est qu'une forme sombre devant elle car plus rien ne les éclaire à présent.

”Et maintenant, que veux-tu ressentir?”

La complainte des âmes dupées. Par elles-mêmes, par la vie, des conséquences qui les dépassent, leur nature aussi. Il pleure Ajay, une fois n’est pas coutume, et ne retient pas son écume. Il n’est pas homme à faire dans la demi-mesure, et il voyage dans ses ombres. Les erreurs qu’il a fait, celles qui entachent et qui marquent, celles qu’on porte comme un poids qu’il préfère oublier. En rire. Il a l’âme grosse, c’est pas grave, c’est la vie. Pas de lumière sans ombre dit-on. Se livrer, expliquer, il en est capable. Il n’était pas prêt, sûrement, à ce qu’elle ne mêle ses sanglots aux siens, et que son histoire, en écho, fasse résonner l’insupportable.



Perdu. Meurtri et perdu, par ce qu’il n’était pas prêt à apprendre. Il le voulait pourtant, se sentait les épaules, mais il avait du mal à relever la tête après ça. Respire Vulcain, respire, tout va bien se passer. Non, trop lourd. L’air manque ici, et il fait froid. Il se relève et essuie rageusement les larmes de ses yeux. De la pitié ? Il n’en mérite pas, lui. Il n’y a pas de pardon pour cela, et l’apitoiement est pire que tout. Il hausse les épaules, imitant sans le vouloir les mimiques de Lancelot, et ne répond pas. Il en a pour elle, dans un certain sens, dans le malheur qu’elle lui renvoie. Ne lui dit pas, parce qu’elle n’en veut pas, n’en demande pas, et certainement pas de lui.

Se fige à la seconde question, et la dévisage. Incompréhension qui revient, constante improbable.
Pourquoi ?


Il y a un temps pour toute chose, et après les ombres la lumière. Après les erreurs le pardon. Il faut échouer beaucoup avant de réussir. Avancer toujours, puisqu’on a pas le choix, si ce n’est celui de vivre et de luter encore, contre soi et contre les autres. Il n’est pas sa douleur, elle n’est pas ses erreurs. Le lac révèle les reflets, mais la réalité est autre. Elle est là, devant lui, n’est pas ce qu’elle était hier ni celle qui se tiendra demain.

Il ravale ses derniers sanglots et sourit maladroitement. « Me sentir vivant, et me noyer dans le beau. » Il frissonne. « J’ai froid aussi, mon feu ne suffit pas ici. Dehors, cela ira mieux, non ? »

Sa main tremble un peu, s'avance. Se pose sur la nuque de Vulcain. C'est bien ainsi que doivent être les gestes de tendresse, non?
Elle ne peut pas dire “tout va bien maintenant”, car cela est faux et Lancelot déteste les mensonges alors la femme reste silencieuse.
Ce n'est pas de la pitié, simplement de la compassion.
Côte à côte, ils essuient leurs larmes. Les gestes de Vulcain portent une rage qu'il ne dissimule pas, ceux de Lancelot restent mesurés. Il y a son coeur vide, il bat sans aucune mélodie. A-t-elle été véritablement capable de chanter et fredonner quelques instants plus tôt, a-t-elle eu cette force étrange ou bien la comptine n'était-elle rien d'autre qu'un songe?

Et lorsque Lancelot parvient enfin à parler, qu'elle pose sa question tissée d'ombres, Vulcain y répond avec bravoure, la femme peut au moins reconnaître cela. Elle acquiesce tandis que l'autre sourit. ”Oui, dehors cela ira mieux...”. Elle se lève, Vulcain ainsi. Les souvenirs qui tourbillonnent dans la tête de Lancelot sont volages, aucun ne parvient à se poser sur un sentiment profond, durable. Il y a tout autant de larmes que de petites joies, de regrets que de désespoir. C'est dur de ne pas avoir mal au coeur en vérité...



”Quoi que l'on fasse, quoi que l'on souffre, le soleil se lèvera malgré tout.

Elle n'arrive à dire que cela, et le soleil l'éclaire elle à présent. Lancelot dompte ses propres fantômes après tout...

Ils ne parlent pas. N’en ont pas besoin. Ils se sont vus bien plus qu’ils ne l’auraient pensé dans cet endroit, et s’ils laissent une certaine beauté, les mots qui y ont été posés n’ont pas besoin d’en sortir. Pas aujourd’hui du moins. Il ne regrette pas ce mal qui lui gonfle le cœur, Vulcain. Il a le sentiment que c’était nécessaire. Qu’il pouvait la comprendre vraiment. Il ne savait pas quoi en faire, il ne savait pas quelle posture prendre. C’était encore trop vif, trop soudain. Le temps avait cette vertu de donner sa véritable nuance aux choses. Les émotions se confondent, alors il se concentre sur la plus pure, celle qui se rapproche le plus d’une certitude. La tendresse.



« Pardon. » Il se passe la main dans les cheveux. Son corps entier est à nouveau tendu, comme s’il était prêt à exploser. Se sent confus, se sent triste. Non, pas envie de penser à cela. Reprendre le contrôle, ne pas s’en faire. Elle comprendra. Le temps passera. Chasse ces idées en secouant la tête, regard qui se pose sur sa baguette qui dépasse de ses vêtements. Ah oui, il fallait faire ça. Bondit presque pour aller la chercher et s’en retourne vers la sorcière. « Madame, quel plaisir ! Bienvenue chez Vulcain, le médicomage en carton. » S’incline bien bas, courbette clownesque. « Puis-je voir votre main s’il vous plaît ? » Sourire bienheureux qui se dessine à nouveau. Il aime faire le pitre, décidément.

Cale sa baguette entre ses dents et dénoue lentement le bandage de fortune autour de la main de Lancelot. C’est humide, mais la plaie ni pas si profonde à la lueur du jour. Se saisit de sa magie retrouvée et se concentre pour refermer la plaie. Ça fonctionne, même si cela laisse une marque. « Hum… Il faudra peut-être demander à mon assistant Ortiz de regarder ça de plus près, pour que ce soit joli à nouveau. » Sourire taquin.

L'homme rompt le contact, se saisit enfin de sa baguette à lui. Il plaisante et s'amuse, du moins tente d'en donner l'impression autant que possible. Lancelot ne tressaille pas tandis qu'il enlève le bout de tissu lui servant de bandage. Très vite, la magie fait effet et la femme bouge la main d'un air comme rêveur. ”Je n'ai pas peur des cicatrices”, murmure-t-elle. ”Merci”.
Et puis, aussi simplement que cela, Lancelot avance la tête assez pour que ses lèvres touchent la joue de Vulcain.
Ce n'est pas ainsi que l'on traite un dieu, elle le sait.



Il n'y a pas d'autre bruit que le ressac. Comme à chaque fois qu'un rêve menace de l'emporter, Lancelot se demande : ais-je envie d'être ici?
Elle n'est pas la seule à souffrir, la présence de Vulcain est un incendie. Les contes tournent dans la tête de la femme, ils se font et se défont, mais aucun n'est rée. Vulcain existe, lui, peu importe ce que cette vérité signifie. Elle ne soupire pas, respire à peine, songe à tout ce qui a déjà été gâché, a envie de lui dire de fuir, de ne plus jamais se retourner.

Se rend-elle compte de la portée de ses gestes, Lancelot, quand elle l’effleure de la sorte ? Se rend-elle compte de la confusion qui coupe le souffle et tétanise les muscles de Vulcain, dont la réputation de séducteur invétéré est bien loin de la réalité ? Il ne se dérobe pas face à elle, ni sous l’étreinte de ses mains à sa nuque un peu plus tôt, ni sous l’emprunte de ses lèvres à sa joue. Il frissonne encore dans sa surprise, la regarde de ce feu qui crépite d’émotions trop nombreuses, trop compliquées à gérer. Elle pourrait le perdre, ici, en agissant de la sorte. Il pourrait faire mal les choses. Ou faire mal, sans le vouloir. Peut-être parvient-il à garder le contrôle, s’enchaînant de cette raison qui garde de l’impulsion. Peut-être éprouve-t-il ce stress d’un homme qui n’ose pas, dans la peur d’un refus claquant, d’une volée de feu froid. Il ne bouge pas dans tous les cas, et acquiesce légèrement, comme pour dire que c’est rien, qu’il a pas fait grand-chose, qu’elle porte tout de même une cicatrice et qu’il n’a pas su lui enlever la souffrance plus tôt.



Lancelot se confie. Il capte son sourire perdu, voudrait répondre quelque chose mais se contient en réalisant qu’elle essaye de dire plus que cela. Il cesse son petit jeu au dessus de sa main. Si elle savait à quel point il était perdu aussi, à cet instant…

”Je sais” Et Lancelot dit cela presque malicieusement.
Par le même temps, à sa manière, l'homme la force à rester éveillée. Lancelot soupire, c'est sa baguette qu'elle saisit sans un mot et le sort qu'elle murmure est presque inaudible.
De la poche de la chemise, Lancelot tire une carte, un As. Peut-être est-il de pique, peut-être est-il de coeur. Elle sourit, son sourire couvre ses mots.

On peut avoir peur d'un lion, on peut craindre un homme. Lancelot est droite, fière, elle porte sa tristesse en manteau, sa rage en couronne et de ses pieds nus, piétine le calme de Vulcain. Parfois, il arrive qu'un chevalier puisse battre un dieu...
L'homme gronde puis abdique, sa défaite a le bruit d'un rire. Il raconte, Lancelot écoute. Que sont les mots de Vulcain sinon ceux de la plus triste des tristes histoires?
De la nuit dernière que reste-t-il, si ce n'est un souvenir de cannelle et les voix de tous ? ”Watership Down, murmure Lancelot. Le titre du livre qu'elle lisait. ”Une histoire de lapins qui vivent dans les garennes anglaises et doivent combattre l'oppression. Leur dieu est un lapin lui aussi, surnommé le prince aux mille ennemis...” Un conte pour enfant et un peu plus, presque. ”car tout le monde est capable de les pourchasser et de les massacrer, ils sont seuls... un peu comme nous avec nos idéaux et ce que l'on doit faire pour échapper au monde de plus en plus sombre.”

Il tempête mais s’incline, Vulcain. Lancelot a une meilleure main que lui, et il n’est pas certain d’avoir jamais été à sa hauteur de toutes manières. Bête sauvage ou homme de feu, elle le tient en respect dans cette grotte où résonne seul son grognement. Il se pliera à sa volonté, quand bien même ça le brûle. Une question, c’est pas grand-chose. Elle peut l’avoir, sa réponse.



Elle lui raconte une histoire, lui parle de ce livre dans lequel elle se perdait l’autre soir avant de le refermer, et dont il a la couverture encore ancrée en mémoire. Il l’écoute malgré tout, essaye de trouver le sens, de se concentrer sur autre chose. Des lapins ? Cela le ferait presque rire à nouveau. Mais l’histoire semble triste, et derrière ses lignes se dressent des ombres qu’il préfère ne pas voir. Son cœur se serre un peu. « Nous ne sommes pas des proies. Nous ne le serons jamais. Et s’il fait sombre, faisons naître la lumière. » Il y a cette simplicité dans son verbe, une solution presque simple et évidente à un problème qui les dépasse. D’autres mots aussi qu’il retient, parce qu’ils sont absurdes, ils ne signifient rien. Sa seule certitude réside en cela : il ne croira jamais en une quelconque fatalité, et le possible appartient à ceux qui osent.



Son corps est baigné de lumière et il luit aussi, à sa manière insolente. Sa main effleure la joue de Lancelot et il s’incline devant elle, fièrement cette fois. Il y aura un temps pour les doutes et les questions, ces heures à se demander si c’était bien, s’il fallait, si elle ne lui en tiendrait pas rigueur. Prendre du recul sur ces émotions qu’il ressent. Lui en parler peut-être. Pas maintenant. La réalité revient lentement, et avec elle les promesses et les devoirs. Bientôt, les recrues seront de retour de mission. Il a promis d’aider, Vulcain, et s’il n’est pas prêt à faire face à ça, son esprit peut se forcer. Peut-être le sent-elle aussi, qu’une page se tourne dans ce livre, que la grotte ne sera bientôt plus qu’un souvenir d’ombre et de lumière.

Il ne dit rien, ne parle pas, lui prend simplement la main pour l’amener dehors, sur la berge de fortune baignée par la mer, et la paroi au dessus de laquelle la vie continue. Il inspire longuement et ferme les yeux, les traits tirés vers le ciel. Murmure quelque chose, qui n’appartient qu’à eux.