Tour de reconnaissance finalement assez peu efficace, Wunjo s'était trop laissé distraire par ce qu'il y avait sur les étales pour véritablement repérer quoi que ce soit d'utile pour la mission. Il avait toujours le plan dans la poche intérieure de sa veste de toute manière, avec le miroir s'il avait besoin d'être joignable.

Alors, de retour au stand, Wunjo accepte enfin de boire un shot servi par Bollitch. C'était comme ça qu'on faisait, en Russie, non ? Il restait un peu déçu de ne pas pouvoir se servir de cette occasion pour parfaire son russe, mais il comprenait l'intérêt d'un sortilège de traduction dans ce genre de congrès. Le monde sorcier était bien assez petit, ils n'avaient pas besoin d'une barrière de la langue en plus.

Aidant Bollitch à mettre la marchandise en avant sur le stand, Wunjo en profitait pour lui demander ce qu'il y avait à savoir sur ces balais volants. Il avait un rôle à jouer après-tout ; celui de vendre du balais, et la foule n'allait pas tarder à arriver. Il espérait pouvoir passer inaperçu, le temps qu'on l'appelle en renfort

A peine le temps d'assimiler les informations, à peine le temps d'apprendre son petit discours, à peine le temps de flancher sous la lourde main du drapeau rouge, que déjà le travail commence.

Wunjo respire profondément, récite les quelques points importants dans sa tête. La foule ne le dérangeait pas, les discours en public non plus. Mais l'enjeu de cette journée un peu plus. Beaucoup plus. Et voir la foule se retrouver coupée en deux pas les épais bras de gardes à l'air peu commodes, et découvrir que l'une de leurs cibles de la journée était quand même vachement mieux en vrai qu'en photo, c'était suffisant pour que Wunjo en perde son souffle.

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu une telle femme. Enfin il avait vu Bacchus il y avait à peine une heure, mais il la connaissait trop. Elle ne lui faisait pas le même effet que Cynthia ici présente. Chez elle, il y avait une distinction, une classe, une supériorité indéniable. Cela ne pouvait peut-être pas plaire à tout le monde, cela pouvait en impressionner certains, mais Wunjo et elle avaient grandi dans le même monde. Ils se comprendraient forcément.

L'observant effleurer du bout de ses doigts le manche de l'un des balais, imaginant bien ce que ces doigts pourraient bien effleurer d'autre, Wunjo répondit brièvement à ses questions. Elle n'était pas là pour lui, pas pour l'instant.

Alors Wunjo s'arma de son plus beau sourire, pas extravagant comme il en avait l'habitude, mais un simple sourire poli et calme, qui laissait penser qu'il avait véritablement envie de parler.

« Deux cent kilomètre-heure, à l'épreuve des sortilèges de pilotage à distance et des maléfices de sabotages en tout genre. C'est un excellent choix, mais les délais peuvent varier selon ce que vous considérez être du gros. Nous avons du stock d'avance pour ce type de commandes, disponible immédiatement. Si vous videz le stock, ou que vous voulez du sur-mesure, comptez dix balais par semaine. »

Il n'avait aucune idée de combien de temps il faudrait pour faire des balais sur mesure, alors il avait improvisé. L'important n'était pas vraiment de vendre du balais, de toute manière. Wunjo devait trouver une porte d'entrée pour lui parler de leur projet, pour la convaincre de les aider, et plus vite que ça !

Dédé:

Wunjo observait Cynthia répondre, tirade recherchée, développée d'une voix délicate. Tout en l'écoutant, il leva son verre et adressa à Bollitch un rapide sourire de remerciement, avant de boire d'une traite le petit verre. C'était loin d'être sa boisson préférée, mais il avait un rôle à tenir.

Rôle qu'il tiendrait coûte que coûte, avec des objectifs précis. Parmi ces objectifs, il n'y avait absolument pas « troncher la cible », mais cela n'empêcha pas son cœur - le deuxième - de manquer un battement face à la manœuvre de la femme en face de lui. Il croisa les jambes nonchalamment, posant une cheville sur le genou opposé.
Wunjo fut sauvé par le gong, le ciel qui s'ouvrait au dessus d'eux. Une bonne raison de détourner le regard. Le spectacle était impressionnant, remarquable, très distrayant. Wunjo reconnaissait de qui il s'agissait, au centre de toute cette attention. Il connaissait la star, bien qu'il ne l'ait jamais rencontrée (et heureusement). Et surtout, il avait été tenu au courant des comptes-rendus des missions des semaines précédentes. Alors, c'était étonnant et inquiétant de voir le dragon ici.

Mais quand le calme revînt, les affaires purent reprendre. Une intervention du genre aurait pu avoir l'avantage de libérer l'esprit de Wunjo pour lui permettre de reprendre la conversation sur une meilleure base. Il n'en était rien. Disons qu'il ne savait pas vraiment comment se sentir, entre la femme fatale en face de lui et la menace mortelle qui venait d'arriver en fanfare.
Wunjo be like.

Mais il devait rester concentré. Pour l'instant, son objectif restait à peu près simple.
Il n'avait plus qu'à se jeter à l'eau, se disait-il. Peut-être était-ce trop tôt, trop dangereux de se révéler aussi vite, mais Wunjo n'était ni un espion ni quelqu'un de vraiment responsable face au danger.

« Là où je veux en venir, c'est que vous êtes de toute évidence une femme d'affaires. Etape 1, la flatter. Vous savez reconnaître des produits de qualité, et nous savons tous les deux que dans ce salon vous ne trouverez pas de meilleurs produits que ceux présents ici, sur ce stand. Etape 2, donner envie. Et c'est avec plaisir que nous vous accorderions un généreux pourcentage sur les produits de votre choix. Etape 3, agiter l'appât. Mais comme vous le savez, la bonté de cœur n'existe pas dans le monde des affaires. Certaines de mes connaissances dans ce salon auraient besoin d'aide, une aide que vous et vos hommes pourraient apporter de manière discrète et efficace, Madame Deathdie. Etape 4, poser ses conditions. Le name-drop était intentionnel, pour prouver qu'il savait qu'il ne s'adressait pas à n'importe qui. Vos services contre nos balais. Cette offre vous convient-elle ? »

Omgosh moment de vérité.

Pied délicat, escarpin qui ne demandait qu’à le piétiner, se frottait contre sa chaussette. Wunjo ne savait plus véritablement si elle jouait à ce jeu afin de le déstabiliser, ou si elle voulait réellement de lui. Mais c’était là la preuve qu’elle était douée à ce qu’elle faisait. Wunjo, lui, faisait de son mieux pour ne pas y penser, pour ne pas se demander si c’était tout ce que ses lèvres savaient faire, négocier.

La proposition de la mercenaire était plus qu’intéressante, surtout pour Wunjo qui ne savait pas réellement ce que représentaient 10 balais de haute qualité pour le fabricant. Probablement rien qu’il ne pourrait rembourser de sa fortune personnelle (ou ce qu’il en restait) s’il était trop généreux avec la dame.
Mais il y aurait forcément moyen de négocier quelque chose de plus avantageux.Surtout pour leur mission. La résistance aurait bien besoin de ces mains supplémentaires, mais elle avait surtout besoin de ceux qu’ils étaient venus protéger ce jour-là.

« Comme je vous l’ai dit, mes besoins concernent cette conférence avant tout. Négocier tout un mois de vos bons et loyaux services ne me semble pas primordial pour l’instant. Mais en guise de bonne foi, je serais prêt à vous proposer une cargaison de 5 balais pour 20 de vos hommes, uniquement ce week-end. »

Elle avait proposé 10 hommes pour 10 balais pendant 30 jours, cela revenait à 0,033 balais par jour et par homme. Wunjo proposait 0,125 balais par jour et par homme. C’était cadeau.

« A moins que vous n’ayez des hommes déployés pendant ce salon, vous n’aurez pas à craindre de les voir se croiser pendant leurs missions. En ce qui concerne le reste du mois, je suis sûr que nous pourrons trouver le temps d’en discuter, dans un endroit moins indiscret. Si tout se passe bien, je serai ravi de vous faire le détail de nos motifs et objectifs. »

Wunjo hésita à faire glisser vers l’avant son pied qui était toujours posé au sol, pour étendre le contact, le courant, qui passait entre leurs jambes. Cela se senti peut-être en une minuscule secousse.