Deux jours que les recrues et leurs professeurs ont rejoint l'esperanto et routine timide cherche à s'imposer. On déjeune en grandes tablées, balbutie avec des moues embarrassées ou feint de se connaître depuis toujours, mélange les nationalités ou au contraire se colle à sa délégation et ne lâche plus les siens.

Qu'elles se pressent ou non les charmantes têtes blondes ont délaissé l'espace du réfectoire pour partir à l'aventure, échanger avec leurs nouveaux camarades ou, mieux, s'offrir une sieste digestive au soleil. Les derniers à quitter les lieux sont @Shishi et @Hitodama de Mahoutokoro, et @La Lune de Beauxbatons. Tous trois s'apprêtent à partir quand leur regard est attiré, presque magnétisé par une fiole trônant sur une table dénudée.

Et quelle fiole. Assez grande pour contenir quelques gorgées d'un liquide rose pâle miroitant dans les rayons du soleil, ornée d'un bouchon orange vif, difficile de déterminer si elle a été oubliée ou volontairement exposée. Le liquide tourne, tourne, apaise, hypnotise, attire et si ses délicats chatoiements ne sont une invitation à la dégustation, qui en est.

Dans le brouhaha qui se forme automatiquement lorsqu'une centaine de personnes prennent leur repas toutes ensemble les souvenirs sont flous et la précision manque. Qui donc s'asseyait là une poignée de minutes auparavant ? Russe revêche, arrogant britannique, mystérieuse américaine ?

Shishi était arrivée affreusement en retard au réfectoire. Ce n'était pas dans ses habitudes, loin de là, mais après avoir passé la matinée dans les serres, elle avait tout simplement perdu toute notion de l'heure. Pour la première fois depuis son arrivée, elle s'était sentie le coeur un peu plus léger, elle avait envisagé l'avenir sous un oeil un peu meilleur. Tant pis pour le retard. Après tout, dans le pire des cas, elle se passerait simplement de repas.

Heureusement pour elle, elle avait tout de même pu profiter de ce qu'il restait. Pas grand chose, rien à son goût, mais elle avait pour l'habitude de dire merci, de sourire, et de s'installer à une table sans discuter. Les plus mauvaises langues diront qu'un peu de personnalité ne lui ferait pas de mal, mais cela faisait longtemps qu'elle avait cessé de les écouter. De plus, son retard lui permit de manger dans un calme relatif étant donné que les étudiants commençaient déjà à quitter le réfectoire. Or, le calme étant grandement apprécié par la jeune-fille, et se faisait un peu trop rare à son goût dans cette grande salle. Les gens ne pouvaient-ils pas manger en silence ? Se devaient-ils absolument de rire, parler, crier ? Sans doute était-ce elle qui était trop différente, mais cela ne changeait rien au fait que ça lui était particulièrement pénible.

Shishi finissait tranquillement son pain lorsqu'elle entendit une voix qui lui était familière dans son dos. Elle se retourna sur sa chaise pour voir Hitodama qui se tenait près de ce qui ressemblait à une fiole. Durant quelques secondes, le regard de l'asiatique se perd dans le liquide rose pâle, si tendre, si apaisant. Si bien qu'elle tressaillit légèrement quand son camarade reprend la parole. A qui pouvait-elle bien appartenir ? La jeune-fille n'en avait pas la moindre idée. La table était dans son dos, et elle n'avait pas encore retenu ne serait-ce qu'un quart des pseudonymes des étudiants. Shishi quitta alors sa chaise pour s'approcher. Elle était imitée par une autre fille, aux longs cheveux chatains et à l'allure gracile. Hitodama réalisant que les deux ne s'étaient probablement jamais rencontrées, il les présenta. Shishi, comme à son habitude, s'inclina respectueusement envers l'inconnue. « Je suis Shishi, c'est un plaisir de faire ta connaissance. » Une fois les politesses échangées, elle reporta son attention sur la fiole. Aux rayons du soleil, le liquide paraissait presque nacré. Prudemment, l'asiatique saisit la fiole entre ses doigts, et l'examina de plus près. Le bouchon était interpelant, fait de verre soufflé teinté en un orange vif. L'harmonie des couleurs était à revoir, mais il était néanmoins magnifiquement ouvragé. « Pas de nom » déclara-t-elle alors, sa déception teintant sa voix. Cela aurait été bien plus simple. « C'est étrange tout de même. Qui prendrait une potion avec au réfectoire si ce n'est pas pour s'en servir directement ? Et qui l'abandonnerait de la sorte ? La fiole a l'air plutôt précieuse en plus ... » Elle la tendit alors à ses camarades, des fois qu'ils voudraient l'observer à leur tour. Elle était intriguée, naturellement, mais surtout ... elle avait un très mauvais pressentiment, et sentait que c'était fiole n'était sans doute pas arrivée là par hasard.

En cet instant précis, Shishi était rassurée d'être entourée de personnes faisant preuve d'un minimum de jugeotte. Elle se souvenait que cela n'était pas toujours le cas, à Mahoutokoro, et que nombre de ses camarades d'antan aurait simplement bu la potion en riant grassement. Ici, ce n'était pas le cas. Les deux étudiants qui l'entouraient réfléchissaient de manière calme, et raisonnée, et cela faisait du bien, elle devait bien l'avouer. Son regard noisette passait de l'un à l'autre tandis qu'ils avançaient des hypothèses. L'idée qu'un professeur ait laissé cette bouteille-là pour tester leur réflexion était en effet très probable. « Cela peut être un moyen de tester notre intégrité également ... » fit-elle cependant doucement remarquer. Peut-être que le corps enseignant de l'île essayait ainsi de juger les personnalités de chacun. Après tout, que savaient-ils des étudiants qui ne venaient pas de leur délégation, sinon qu'ils étaient censés êtres doués ? Et encore, pour certains, Shishi se permettait d'avoir quelques doutes.

Shishi hocha la tête lorsque La Lune évoqua un philtre d'amour. C'était effectivement probablement le cas. Après tout, quelques minutes plus tôt, la jeune-fille s'était laissé hypnotiser par le liquide et ses remous. Une potion d'envoûtement était également envisageable. Et justifierait le fait que quelqu'un l'ai laissée à la vue de tous. Elle écouta alors attentivement le laïus de Hitodama. C'était incroyable ce que ce garçon pouvait parler. Il parlait bien, attention, ce n'était pas une critique. En quelque sorte, Shishi était un peu admirative. Cependant, ce n'était pas demain la veille qu'on l'entendrait prononcer un discours pareil. Il évoqua la possibilité de la remettre aux professeurs, et clairement, c'est l'option que Shishi avait envie d'encourager. D'une part parce que cela lui semblait la bonne chose à faire, et d'autre part parce que ce n'était pas réellement son problème ... Elle savait qu'il y avait cette histoire de classement, et que c'était peut-être une épreuve pour leur permettre de grappiller des places, ou de ne pas en perdre. Enfin bon, elle n'avait pas spécialement envie de devenir première. L'ombre de la deuxième place lui convenait parfaitement. Néanmoins, elle pouvait comprendre que ce n'en était pas forcément de même pour ses camarades. Elle réprima un soupir avant d'acquiescer doucement. Ainsi soit-il. « Je ne sais pas s'il y a un atelier de potions, mais il y a une cuisine. La magie n'y a pas d'effet, vous pensez que ça peut annuler les effets de la potion ? Histoire de ne pas prendre de risques inutiles... » demanda-t-elle alors que dans son regard on voyait les rouages d'un esprit acéré se mettre en route.

Une chose était certaine en tout cas, la prochaine fois, elle arrivera à l'heure au déjeuner.

On pourrait croire que l'elixir s'agace de leur retenue. Lueurs tournoient, vivotent, saisissent à travers la fiole tous les rayons du grand astre pour les refléter. Le verre lui-même brillote, clignote lorsque @La Lune lance son sortilège dessus. Un bref instant la surface devient chaude, trop chaude même avant de retrouver apparence et texture naturelles. D'après l'expertise de l'arcane, la potion doit contenir (entre autres) des extraits de sangsue, de sysimbre et un élément tout à fait inconnu.

Citation :

1 - 10 : échec critique, 90%
11 - 50 : échec, 50%
51 - 90 : réussite, résiste
91 - 100 : réussite critique, instable

Prévenir l'incident ? Contenir les effluves ? Mais félicitations @Hitodama, on se démarque déjà par de grandes réussites. Le trio peut presque entendre le ricanement de la direction.

La fiole est ouverte, et plutôt que l'endiguer le sortilège du japonais semble avoir décuplé ses effets. Comme de l'amortentia très fortement diluée, les trois compères peuvent sentir de lointaines fragrances de ce qu'iels aiment plus que tout. Ce qui ne devait pas être assez fort pour être entêtant, juste plaire, gagne en puissance et ferait bien vite tourner les têtes des trois recrues si elles n'y prennent pas garde.

Mais pas que. Le parfum, qui n'aurait ravi que les recrues plus proches dans son état naturel, commence à se diffuser. On voit les volutes s'élever, couler vers le parc et les bâtiments. Bien joué, utiliser tant de magie sur une potion de toute évidence instable n'était peut être pas la meilleure idée.

Note : toute personne le désirant peut maintenant sentir le parfum, léger rappel d'amortentia, le suivre et rejoindre ce rp.

Les ingrédients révélés par le sort de Lune n'indiquent pas grand chose de concluant, même s'ils en savent déjà un peu plus. Shishi n'est pas, et ne sera probablement jamais, une potioniste. Elle connaissait les potions de base, ainsi que les composants de quelques potions plus avancées. Lorsqu'elle était encore étudiante à Mahoutokoro, elle avait réussi une potion de polynectar. Aussi, les ingrédients révélés par le sort de la Lune lui rappelaient inévitablement ce succès inattendu. Pour autant, la couleur restait suspecte. De plus, qui abandonnerait une fiole de polynectar dans un réfectoire, à la vue de tous ? Quelque chose de collait pas. Mais Hitodama ne sembla pas s'en formaliser. Les événements qui suivirent furent extrêmement brefs et rapides, si bien que Shishi n'était pas certaine de bien avoir tout suivi. Le sorcier annonce qu'il faut ouvrir la fiole, et la jeune-fille n'a pas le temps de répliquer que déjà, il fait tourner le capuchon entre ses doigts. Elle est bien consciente qu'il fallait ouvrir la fiole, mais elle aurait vraiment préféré le faire aux cuisines, là où ils auraient pu en extraire une goutte sans danger, pour ensuite l'analyser là où leurs sorts feraient effet. L'approche de Hitodama était indéniablement plus frontale. Bien sûr, fidèle à lui-même, il tenta de limiter les effets que pourraient avoir la potion à une bulle, sans doute destinée à l'envelopper et à épargner ses camarades. C'est un échec cuisant, et il ne semble pas s'en rendre compte. Aussi, dans la fraction de seconde qui suivit, Shishi tentait d'ériger un mur de protection magique. Trop peu de concentration, de précision, d'ancrage, et une odeur déjà entêtante qui parvenait à ses narines, elle n'eut finalement que le temps de pousser la française en arrière, dans un geste protecteur un peu plus brusque que ce qu'elle aurait souhaité.

Dans les secondes qui suivirent, impuissante face aux effluves de la fiole, Shishi se sentit transportée. Le réfectoire s'effaça peu à peu pour laisser place à un sublime jardin, un matin de printemps. Face à elle trônait un majestueux cerisier en fleur dont le parfum embaumait l'endroit, seulement troublé par l'odeur amer du matcha que venait de lui servir son père, et qu'elle tenait précieusement entre ses mains. Shishi secoua vivement la tête pour chasser la vision d'antan, la nostalgie enserrant aussitôt son coeur et sa gorge. « Au moins, ce n'est pas un amortentia... » murmura-t-elle d'une voix dont elle essayait de contrôler le vibrato. Et c'était sans doute préférable. Mieux valait éviter les romances dramatique à la Tristan et Yseult alors que les cours n'avaient pas encore commencé. Cependant ... Shishi avait encore une question ... « Vous ... vous croyez que c'est tout ? Que c'est juste ... un parfum d'ambiance ? Ou bien ... Qu'est-ce qu'il se passerait si on la buvait ? » Que les choses soient claires : c'était un risque que l'asiatique ne prendrait pas. Ce qui ne l'empêchait pas de s'interroger.

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