Les premiers rayons du jour effleurent à peine les courbes blanches de la cité, promesse d’une journée ensoleillée. La cuisine est encore silencieuse à cette heure. Elle s’animera bientôt au chant des premiers oiseaux, les recrues de corvée feront de leur mieux pour être à la hauteur et ne pas s’attirer, déjà, les reproches de leurs camarades. Normalement. La nuit a été courte mais riche d’enseignements, promesses de lendemains plus radieux, et le japonais mit un point d’honneur à se lever avant tous les autres, avant le moindre bruit dans le dortoir des Mahoutokoro. Il avait fait son sac, y avait glissé sa petite boîte à thé et avait filé dans l’obscurité mourante.

Il n’avait pas pensé que la cuisine n’était pas adaptée pour une cérémonie du thé. Des tables partout, des fours, des frigos, un grand évier et de la vaisselle bien sûr, en quantité énorme. Une cuisine européenne moderne en somme. S’installer par terre, à même ce carrelage froid, ça ne lui plaisait pas vraiment non. Ce ne serait pas très propre aux traditions. En réalité, aucun lieu ne s’y prêtait mieux que leur dortoir. Il n’avait pas forcément envie de faire route inverse non plus, alors il se décida à faire moins. Beau, bien sûr, correctement, mais de manière plus moderne. A l’avenir, il s’organiserait pour le faire là-bas.

La théière était chaude à présent, et le matcha y infusait paisiblement. Sa boîte, de bois blanc et rouge entremêlé, était posée sur un coin de la table, toujours fermée, triste rappel d’une journée qui ne commençait pas tout à fait comme prévu. Il alla chercher un bol, triste lui aussi, d’un blanc pâle et uniforme. Tout était à adapter, ici. Thé qui coule doucement, fins volutes de fumée, le vert se répand. Odeur végétale qui fait du bien à humer en fermant les yeux, il se détend un peu, et s’assied à la table. Ses mains se referment sur les parois du bol qui s’éveillent et les font rougir un peu.

Bruit de pas qui rompt avec l’harmonie de ce moment, ses yeux s’ouvrent et il se tourne, alerte, pour découvrir l’identité de l’intrus. Visage neutre et poli qui ne laisse rien paraître, il s’incline légèrement en direction de l’enseignante. « Bonjour, Lancelot-san. Puis-je vous aider ? » Son anglais est propre et sans bavure, son accent ressort peu, habitude de quelqu’un de fluide dans cette langue. « Je ne suis pas de cuisine donc je ne saurai vous proposer quelque chose de consistant à cette heure, mais je peux essayer de vous préparer quelque chose si vous voulez ? » Il lâche son bol de thé comme à regret et se lève pour aller en chercher un second dans l’armoire, qu’il pose à côté. « Sinon j’ai du thé. » Liquide qui s’écoule doucement, gestes maîtrisés, il fait coulisser le bol en sa direction. Ses yeux se posent un instant sur l’enseignante britannique, emprunts de curiosité, avant de se détourner pudiquement. Il ne voudrait pas paraître impoli, certainement pas.

Elle se lève tôt, il y a encore des traces de sommeil dans les vagues de ses cheveux. Pour une fois, Lancelot les garde détachés. Cela changera plus tard...
Comme d'habitude, ses yeux sont cerclés de noir, un maquillage discret, elle le portera jusqu'au coucher. Quelque chose qui porte attention à son regard, comme une mise en garde timide parce que celui-ci a tendance à s'échapper, se faire trop rêveur, se faire trop lointain.
Le chemin jusque la cuisine est silencieux, il y a des flaques de lumière au sol selon l'orientation des fenêtres. Parfois, Lancelot les évite, parfois Lancelot les traverse... Il ne fait pas froid, du moins il ne lui semble pas. Ses perceptions sont à son image après tout : humaines.

Un étudiant est déjà présent lorsque Lancelot passe la porte. La femme ne montre aucun étonnement tandis que le garçon la salue. Il n'est pas comme son professeur, note-t-elle, il n'utilise pas les surnoms.
Lancelot hoche la tête. ”Bonjour Hitodama.” Le noir du maquillage empêche ses yeux de sembler trop flous, comme une ancre pour ne pas voir au delà du garçon, transpercer les murs et les frontières de l'île.

Elle regarde la table, le bol, le garçon assis. Elle regarde le calme de la pièce aussi ”Le mal du pays?” questionne Lancelot devant la cérémonie que le jeune homme mène pour lui-même.
Elle secoue la tête. ”Restez assis, je vous en prie.”
Sans baguette, sans magie, elle prend le pain, le pot de marmelade à l'orange, un goût particulier. Elle coupe, tartine, chacune des tranches est posée sur une assiette. ”Prenez-en, il est important de toujours avoir quelque chose dans l'estomac.”
L'assiette, Lancelot la pose en libre service. Son sourire change lorsque Hitodama propose du thé, elle ne se moque pas pour autant.

”Il ne vaut mieux pas, je le bois noyé dans du lait et jamais autrement. Ce serait gâcher vos feuilles et votre cérémonie.”

L’enseignante britannique ne marque aucune surprise dans sa posture, comme si sa présence était évidente, qu’il n’y avait rien de surprenant qu’un étudiant l’accueille de la sorte dans la cuisine aux aurores. Elle semble toujours détachée du monde matérielle elle, cela ne le rassure pas, mais il ne tressaille pas non plus, reste révérencieux et courtois. C’est naturel après tout de marquer son respect auprès de sorcières et sorciers plus expérimentés, d’autant plus quand un lien de subordination existe. Chez lui en tout cas.

Elle lui demande tranquillement s’il a le mal du pays, et ses yeux suivent ceux de l’enseignante vers la théière à la table.Oh, ça ? « J’ai juste besoin de ma dose de thé pour bien commencer une journée, Lancelot-san. Pas déjà de grande nostalgie, je vous rassure. » Sourire poli qui se dessine. Il se lève pour aller lui chercher un bol et feint de ne pas l’entendre lui demander de rester assis, et commence à la servir avec son application habituelle quand on en vient à quelque chose de ritualisé. Elle pose sur la table des tartines de confiture, qu’il sent être d’orange. Marmelade, non ? Ouais, il a entendu dire que les british en raffolaient, mais il n’a jamais goûté encore. Dame qui l’invite à se servir, il incline la tête et lui tend le bol plein de matcha.

« Il ne vaut mieux pas, je le bois noyé dans du lait et jamais autrement. Ce serait gâcher vos feuilles et votre cérémonie. » Sourcil qui se hausse, il ne parvient pas à s’empêcher de la dévisager un instant. Pas de moquerie perceptible, une sorte de politesse dans le ton et un sourire qu’il a du mal à déchiffrer. Hors de question cependant qu’il se permette d’insister, ou de lui expliquer que la cérémonie du thé n’a rien à voir avec ce qu’il est en train de faire en ce moment. Elle comprendra tout cela un jour si elle s’intéresse à leurs traditions, et il se doit de respecter qu’elle préfère le lait au thé que ce qu’il lui propose, même si ça le vexe un peu, au fond. Ses mains reviennent au bol tendu et il verse son contenu dans la théière, prenant soin de ne pas en mettre partout.

Il s’empare d’une tartine, celle qui semble la plus petite, et en mord une bouchée. Le goût est puissant, il sent l’amertume de l’agrume mais surtout beaucoup de sucre. Pas bon. Être poli, toujours, et ne rien laisser paraître, il finit sa bouchée et pose délicatement le pain devant lui. Se replonger un peu dans son thé pour se nettoyer de ce goût, toujours impassible. Lancer une conversation ? Éventuellement, ce sont des choses qui se font. « Puis-je me permettre de poser une question sur votre nom, Lancelot-san ? J’ai lu hier soir dans un livre que dans les légendes arthuriennes, Lancelot était à la fois le plus proche ami du Roi Arthur… Mais aussi un ennemi qui l’a trahi ? Ce ne sont que quelques informations que j’ai pu récupérer, qui sont peut-être inexactes, mais je trouvais ce choix étrange dans le contexte actuel. » Il croque à nouveau dans sa tartine et croise le regard de Lancelot. Il sait qu’il vient de dire une connerie, mais c’est comme ça, il est pas très habile pour lancer des conversation Hito, et souvent assez maladroit. « N’y voyez aucune impertinence, je suis peut-être assez maladroit… Mais les délégations comme la votre, quand les pseudonymes sont en relation avec une figure centrale, incarnée par votre directeur de délégation… Eh bien, j’imagine que ce n’est pas facile de pouvoir choisir sans risquer de marquer une position vis-à-vis de ce dernier. »

Les questions du jeune homme flottent dans l'air. Immobile, Lancelot regarde Hitodama et il y a des nuages dans ses yeux bien sûr. Il y en aura toujours...
Elle reste debout. ”Ne vous forcez pas si le goût ne vous convient pas”, murmure-t-elle simplement.
Elle continue d'être triste tout autant qu'elle continue de sourire et secoue la tête. Ses yeux ne cherchent pas à fuir : elle ne rougit pas, elle ne fronce pas les sourcils. Après une demie seconde aussi longue qu'un demi siècle, la femme hoche la tête.

”Non...” Sa voix est neutre, capable de se couler entre les différents silences de la cuisine. ”La plus triste de toutes les tristes histoires : Lancelot, Guenièvre, Arthur... Lancelot a trahi Arthur non pas comme un ennemi mais comme un ami et un frère. Il s'agit d'un récit aux émotions complexes en vérité.”

Et puis les hausse les épaules, son sourire se fait élégant un peu plus, son regard doux. ”Il y a différentes raisons de raconter une légende, d'y trouver les vérités que l'on veut y voir ausi. Cependant, de la même manière que l'association de deux élèvres français selon leurs arcanes ne correspond pas aux prédictions du tarot, les pseudonymes que nous choisissons ne disent rien de notre destin ou des possibles amitiés et inimitiés.”

Il y a un léger rire lorsque Lancelot parle. Elle ne se moque pas, comprend que ce genre de question puisse être nécessaire pour Hitodama Demander plutôt que de se laisser bouffer de l'intérieur par des interrogations, parfois cela est mieux.
Parfois.

”Tout choix est une prise de position cependant. Le piège est de savoir quand lire les décisions et quand ne pas les surinterpréter. Dans un autre registre, on raconte que sous l'emprise d'un sortilège, Lancelot est devenu fou, errant nu dans les bois et revenu à l'état de bête sauvage... Je suppose que je devrais me méfier des balades forestières.”

Peut-être plaisante-t-elle, mais sa voix se hausse à peine. Difficile à dire, elle continue de sourire doucement, cela est tout, ses yeux brillentdeleur propre noirceur, elle ne cligne pas de l'un d'entre eux.

”'L'Hitodama, corrigez-moi si je me trompe, n'est-ce pas là une boule de feu représentant une âme? “

Il sait qu’il est allé un peu trop loin, c’est évident. Il n’a pas peur d’assumer ses conneries cependant, il a l’habitude de le faire. Mais, étrangement, tout ce qui transparaît sur le visage de l’enseignante est de la tristesse dans ses yeux vagues, profonde et contemplative, tranchant avec le sourire qui se dessine sur ses lèvres. Dualité étonnante et perturbante, réponse murmurée et décalée. Il regarde la tartine à demi-mangée dans sa main et réalise que, peut-être, Lancelot en voit plus qu’elle ne le laisse penser. Il ne sait pas bien mentir Hito, alors il lui adresse un sourire poli et mord à nouveau dans le bout de pain. Hors de question qu’il laisse une tartine à moitié mangée. « C’est important de ne pas avoir le ventre vide, disiez-vous, et si le goût me questionne, je ne salirai pas votre honneur en refusant ce présent. »

Silence qui s’installe, pesant, lui laisse le temps de finir la tartine pour voir se concentrer sur son thé, dont il se ressert une tasse. Finalement, elle délie son raisonnement, bien ficelé et implacable. Il y a beaucoup de bon sens là dedans, et si la question est partiellement évitée, d’autres amorces de réponse lui sont offertes. Rire qui se mêle aux pensées, qui rebondit sur les murs blancs. Cela le déconcerte un peu, mais bien moins que les mots qui suivent, ponctués par ce regard qui semble voir sans regarder. Il se crispe un peu, se replie sur lui même, baisse les yeux pour contempler les méandres verdâtres de son thé.


Il marmonne presque en répondant, mots qui sortent malgré lui, trop forts. « Il n’y a peut-être pas d’interprétation absolue dans un monde qui oscille entre les points de vue, Lancelot-san. A chaque être donc de se positionner malgré tout, de faire ses choix en connaissance de cause et de porter les conséquences de ces derniers. Se positionner, c’est exister. La relativité absolue n’a jamais aidé personne, car seuls les aveugles pensent que rien n’est ancré. » Réponse qui balaye l’ensemble des propos de l’enseignante pour lui apporter une réponse, la sienne, aux perspectives qu’elle pose.

« L'Hitodama, corrigez-moi si je me trompe, n'est-ce pas là une boule de feu représentant une âme ? » Il relève les yeux et croise ceux de l’enseignante. Hochement de tête. « C’est représenté de cette manière, vous avez raison. Une boule de feu bleu de petite taille qui transporte les âmes des défunts dans leur dernier voyage. » Il répond par politesse mais ne s’attardera pas sur le sujet à moins qu’elle ne cherche à en savoir plus. Sa clairvoyance lui fait peur, et il sait qu’elle maîtrise aussi bien les silences que les mots désormais. Mais tant pis, puisque le sujet a été ouvert, il est prêt à voir où cette joute verbale va les mener.

« Quelle version de Lancelot du Lac vous semble la plus appropriée pour vous décrire de ce fait ? Celui qui aime au dessus de tout mais qui trahi, ou la bête sauvage qui erre, hagarde ? » Okay, là c’était peut-être un peu trop. « La grâce sauvage ou la posture du chevalier blanc face à son implacable destin ? » Mieux. Limite, ça peut passer.

Elle continue de le regarder évidemment, accepte qu'il fasse de cette marmelade une question d'honneur. Mais les bords de ses lèvres se retroussent d'une autre façon, son sourcil est haussé, il y a une question qu'elle ne pose pas, qui résonne quand même : ainsi mon honneur est pour vous fragile comme une nourriture que l'on refuse?
De quoi se vexe-t-elle, Lancelot? A cet autre question qui transparaît sans mots aucun, elle ne répond pas. Les colères, elle en porte en elle comme tout un chacun. Certaines peuvent se montrer, se dévoiler, d'autres se révéler insidieuses, sournoises.
Et cela reste un poison, bien sur que cela reste un poison.

Le jeune homme reprend du thé, chacun des gestes est posé et Lancelot veille à adoucir son visage un peu plus.
Il semble troublé, du moins en donne l'apparence.


”En ce cas je suis une personne aveugle mais qui reconnaît l'être. Non, rien n'est ancré selon moi : les intentions changent, les perceptions aussi. Je peux faire un geste un jour, puis effectuer le même le lendemain alors que sa signification aura changé. Parce que moi aussi, et le geste sincère de la veille peut devenir la diversion du lendemain, pour faire croire que tout va bien.”

Elle parle doucement encore une fois et ce qu'elle expose ne représente qu'une chose : son point de vue à elle. Libre à Hitodama de ne pas être d'accord, le partager.
Elle acquiesce quand l'étudiant lui explique un peu mieux ce que représente la créature dont il porte
le nom. Lancelot pense aux feus de Saint Elm également, sans pour autant en dore grand chose. Des similitudes entre les mythes, des différences aussi...
Hitodama n'abandonne pas, s'enhardit un peu. Elle hausse les épaules d'un air perdu mais sourit toujours, son sourire sonne comme une excuse pudique.

”Votre question est comme un piège Hitodama : vous me présentez bien les deux versions dont nous avons parlé, mais vous utilisez une troisième facette pour le désigner. Lancelot du Lac lorsque je ne suis que Lancelot. Le Lac, celui de Viviane... La dame du Lac a en effet élevé le chevalier dans le but d'en faire le héraut du vieux peuple. Son allégeance à Arthur, sa conversion au christianisme peut déjà être vu comme une trahison. Aucun Lac ne m'appelle et ne me retient cependant, peut-être devrais-je explorer l'île, y trouver un point d'eau plutôt qu'une forêt touffue...”

Que répondre lorsqu'un autre parle de destin? Sa main se pose sur la joue du jeune homme. ”Craignez les chevaliers blancs, je ne me réclame pas de cela, et que quelqu'un ait pitié de mon âme si un jour cela devient le cas.”

Ses yeux vagabondent sur les parois de sa tasse quand l’enseignante lui répond, se joue du sens des mots qu’il lui offre pour les détourner. Est-ce d’ailleurs un aveu, affirmation claire qu’elle utilise les normes, les codes, les apparences, pour manipuler ? Qu’elle calcule jusqu’au moindre de ses gestes, jusqu’à l’éclat de son regard, pour induire en erreur et conduire sur de fausses pistes ? Tout cela n’est ni très heureux, ni très rassurant. Mais elle enseigne la torture après tout, bien sûr qu’elle sait manipuler la réalité.

« Les intentions et les perceptions changent peut-être, Lancelot-san, mais les actes restent. Même une sorcière aussi talentueuse que vous ne peut défaire ce qui a été fait, et doit vivre avec la conséquence indélébile de ses actes. Les choix, quand ils ont été scellés par des actes, sont absolus. Mais vous ne niez pas cela, n’est-ce pas ? » Curiosité dans ses pupilles, il est toujours aussi calme Hitodama. Il comprend à présent les précautions à prendre face à quelqu’un d’aussi habile à éviter les questions pour les tourner à son avantage. Les mots polis qu’elle emploie mais qui pourraient être des menaces à peine voilées. Il n’a pas fini cependant, et revient à la charge sur le nom de Lancelot, essaye tout de même d’en tirer une conclusion, de comprendre des choix. Lui renvoyer ses mots en les déformant, essayer de tirer autre chose d’elle qu’un simple sourire pudique qui ne quitte jamais son visage.

Il a le malheur cependant d’employer un titre qu’il pensait complet, le bon, celui qu’il avait lu dans son livre. Du lac. C’était sa légende après tout, et rien n’est complet quand il est tronqué. La britannique hausse doucement des épaules sans se départir de cet effroyable sourire, et lui répond. Elle lui rirait au nez que l’effet serait le même. Il se replie sur lui même, se ferme peu à peu. Frustré. Comme si elle ne le prenait pas au sérieux. Comme si elle le prenait pour un gamin qui n’a encore rien vécu. Etait-ce le moment de lui prouver qu’elle avait tort ? Probablement pas.

Mais Lancelot fit un geste malheureux, suivit de paroles malheureuses. Elle posa sa main sur la joue du jeune homme, cherchant peut-être à attirer à nouveau son regard, à créer un lien. En cela, elle réussit, car les yeux du japonais se levèrent brusquement pour la regarder. Perdus. Écarquillés. Que faisait-elle, là ? Se rendait elle compte ? Avait-elle seulement conscience ? Surprise et désarroi se muent en une colère sourde et implacable, il se recule brutalement, pieds de la chaise qui grincent sur le sol froid. Il a entendu ses mots, c’est bon, mais le petit jeu est fini, maintenant. Elle n’a pas le droit.

Colère qui fait trembler ses mots alors qu’il se lève pour lui faire face de toute sa hauteur, les joues écarlates, le regard assassin. « Ne faites jamais ça, Lancelot. Plus jamais. Je ne suis pas votre ami, et certainement pas votre amant. Nous ne sommes pas intimes. » C’est son enseignante mais cela ne lui donne pas tous les droits. Il ne se pliera pas devant cet abus. « Laissez-moi vous répondre, maintenant. Je n’ai que faire de si vous êtes Lancelot ou Lancelot du Lac, si, en détournant mes questions, vous vous esquivez. Vous portez un nom lourd de symbolique, et vous me refusez toute explication sensée. Est-ce ainsi que vous allez créer la confiance ? Dois-je vraiment vous faire l’affront de vous répéter les mots qui courent sur votre délégation ? Non, vous les connaissez parfaitement, vous êtes consciente de votre image. Ne répondez pas, dans ce cas, mais souffrez de ma méfiance. » Plus une once de politesse ou de sympathie dans sa voix. « Je dois être un peu stupide, puisque je ne comprends pas non plus votre allusion aux chevaliers blancs. Si les Mangemorts sont des mages noirs – c’est une définition sensée et acceptable par tous, n’est ce pas ? - alors nous sommes tous chevaliers blancs ici, à moins de ne même pas prétendre partager cette cause commune. Le nier me rend plus que perplexe. »

Il la toise, ne prend pas la peine de s’incliner. « Permission de me retirer, Lancelot, du Lac ou d’ailleurs ? »

Et parce qu'il n'y a plus rien ici pour elle, Lancelot part.